le Progrès du dimanche 30 avril 2017
La Fête du travail sans muguet, c'est un peu comme Noël... sans le sapin. Derrière cette tradition, des travailleurs souvent précaires, dont de plus en plus de retraités en quête d'un complément de revenu.
Quelques brins de muguet et le bonheur assuré pour toute l'année ? Derrière la jolie tradition du 1er Mai se cache une réalité sociale moins romantique. Avec un main-d'oeuvre éphémère comme les petites clochettes parfumées. Le muguet est récolté à 85 % dans la région de Nantes (Loire-Atlantique), surtout par des saisonniers : 2 000 à 2 800 travailleurs sont recrutés chaque année par les maraîchers nantais : étudiants, chômeurs, migrants... mais aussi retraités.
De plus en plus de retraités
La part des seniors, soucieux de compléter leurs revenus, tendrait à augmenter même si elle est "difficile à évaluer car ils ne sont pas inscrits comme demandeurs d'emploi", explique la direction régionale de Pôle emploi. Tractant à la sortie de la serre du plus gros récoltant de Loire-Atlantique, à Saint-Philibert-de-Grandlieu, comme chaque année depuis cinq ans pour informer les saisonniers de leurs droits, des militants locaux de la CGT ont "constaté un fort volume de retraités des champs", sans pouvoir non plus le chiffrer. Précoce cette année, la "cueillette" a débuté autour du 14 avril et s'est achevée une dizaine de jours plus tard.
À l'approche de la Fête du travail, encore plusieurs centaines de saisonniers s'activaient chez la vingtaine de producteurs de la région afin de trier les brins conservés en chambre froide et préparer les colis. Terminant sa troisième saison au conditionnement, Gérard, ex-agriculteur de 64 ans, a "vu pire". Mais il "s'en passerait bien, surtout quand on a travaillé toute sa vie, et pas aux 35 heures". Seulement, avec sa retraite Gérard vit "sous le seuil de pauvreté" : Avant le muguet, j'ai fait cinq mois de taille de vigne, j'irai faire cet été deux mois de récolte en Bretagne et à l'automne les vendanges dans le Bordelais. Voilà ma vie", souffle-t-il. Dans les serres, où s'échangent les bons plans sur les emplois saisonniers, Gérard a croisé "beaucoup de gens dans [sa] situation, une bonne moitié de retraités parfois venus de loin, certains très âgés".
"Des retraités, il y en a beaucoup et de plus en plus", remarque Jean-Yves, 68 ans, agriculteur vendéen à la retraite - "800 € par mois" - qui trie et emballe les brins depuis six ans. Gelée après avoir passé plusieurs heures immobile à confectionner des bouquets, Monique, 65 ans, est soulagée que ce soit le dernier jour. Partie "trop tôt en retraite", cette ex-employée d'une usine des Vosges avait entendu parler du muguet en faisant les vendanges Pour décrocher le poste, elle a dû faire "le premier CV et la première lettre de motivation de (sa) vie".
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