le Progrès du dimanche 5 juin 2016
POLITIQUE - REVENU UNIVERSEL DE BASE
1 200 euros pour tous sans condition
Une folie, l'idée d'un revenu universel de base ? Juste une utopie ? Ou déjà un projet ? Le fait est qu'on en parle de plus en plus. Chez nos voisins suisses, qui votent ce dimanche, mais aussi en Finlande, aux Pays-Bas, en Allemagne... Et désormais en France, au plus haut niveau : le revenu universel est "une idée qu'il faut mettre dans le débat public", déclarait récemment Manuel Valls, en meeting à Évry. De quoi s'agit-il ? D'une idée simple, dans son principe : un revenu versé à chacun, indépendamment de sa situation, donc "universel" ; et d'un revenu "de base", suffisant pour assurer les besoins essentiels.
La menace numérique
Mais pourquoi en parler maintenant ? Parce que le chômage paraît s'installer dans nos sociétés comme une réalité durable, sinon permanente, laissant toujours plus de personnes sans revenu tiré d'un travail. En France, le nombre d'allocataires de minima sociaux (RSA, minimum vieillesse, adulte handicapé, allocation-chômage de fin de droit...) atteignait 4 millions de personnes en 2014, contre 3,3 millions en 2000. Avec les ayants droit, ce sont déjà "plus de six millions d'individus" qui vivent de ces minima, souligne l'Observatoire des inégalités.
Et ça va encore s'aggraver, estime le député Pascal Terrasse (PS, Ardèche) : l'économie numérique et ses robots devraient supprimer "des millions d'emplois". C'est l'économiste américain Robert Gordon qui, le premier, a tiré la sonnette d'alarme sur le côté destructeur du numérique, prédisant "une grande stagnation" économique.
Mais tout le monde n'est pas d'accord. Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee, par exemple, affirment dans Le Deuxième âge de la machine (Ed. Odile Jacob) que la révolution numérique, comme avant elle la révolution industrielle, va créer plus d'emplois qu'elle n'en détruira.
De droite et de gauche
Dans tous les cas, cette incertitude a relancé l'idée du revenu universel. Sauf que tout le monde ne parle pas de la même chose, souligne le député Christophe Sirugue (PS, Saône-et-Loire) dans un récent rapport sur les minima sociaux. Pour certains, plutôt à gauche, il s'agit de lutter contre la pauvreté, et renforcer ainsi l'État providence. Pour d'autres, plus libéraux, c'est au contraire un moyen de mettre bas l'actuel système de protection sociale, dont la complexité (donc le coût) s'effacerait devant cette allocation minimale unique.
En France, le revenu universel fait ainsi l'objet d'amendements à la fois de Delphine Batho, proche des frondeurs socialistes, et de Frédéric Lefebvre, des Républicains. En Suisse, il est supporté par des libéraux à Zürich et des socialistes à Genève...
Il faudra sans doute "cinq, dix, quinze ans", reconnaissait Manuel Valls à Évry, avant que le revenu universel devienne réalité. Aujourd'hui, il diviserait les Français en deux parts égales, selon un sondage BVA. Les électeurs de gauche y seraient plutôt favorables, et ceux de droite, opposés. Un thème idéal pour la campagne électorale qui va s'ouvrir... Francis Brochet.
Les Suisses votent aujourd'hui sur un revenu universel
Certains ont évoqué la somme de 2 500 francs (2 250 euros) par personne, en réalité le texte mis au vote aujourd'hui en Suisse ne fixe pas de montant. Il propose juste de créer ce principe de revenu pour tous, de la naissance à la mort, sans aucune contrepartie. Mais l'adoption de l'initiative n'est pas la tendance. 71 % des votants refuseraient le texte selon le dernier sondage de l'institut Gfs. bern. Le texte veut émanciper l'individu en "couvrant les besoins fondamentaux, les autres revenus se chargeant alors de compléter le revenu de base inconditionnel (RBI) en apportant la part de confort", explique le comité pour le "oui".
Selon ses partisans, le RBI permettra donc à chacun de se consacrer à ce qui lui plaît, sans tuer pour autant le travail. "Les gens ne chercheront plus un emploi pour survivre, mais parce que personne ne souhaite se contenter du minimum". Côté financement ? "le RBI ne coûte pas plus cher que le système actuel", veulent croire ses promoteurs, puisqu'il "se substitue à la plupart des prestations sociales jusqu'à la hauteur de son montant"... Reste qu'un revenu universel pose aussi d'importants problèmes d'équité ou d'efficacité, soulignés également par des économistes de gauche et de droite lors de la campagne.
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