le Progrès du dimanche 8 janvier 2017
SOCIÉTÉ - LE VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION POSE DE NOMBREUX DÉFIS
La population des super-aînés ne cesse de progresser. Selon l'INSEE, en 2070 les personnes âgées de plus de cent ans seront treize fois plus nombreuses qu'aujourd'hui.
Roebert Marchand en est la preuve : les centenaires ont de l'avenir... et de l'énergie ! Avec son nouveau record à vélo cette semaine - plus de 22 km en un heure -, le cycliste de 105 ans offre le visage souriant du futur démographique de la France.
Aujourd'hui, notre pays compte 21 000 centenaires. C'est beaucoup plus qu'en 1970 (près de vingt fois) mais bien moins qu'à horizon 2070. Selon l'Insee, la France pourrait compter à cette date... 270 000 personnes de cent ans et plus. Un sacré défi pour une société qui s'interroge toujours sur les moyens de financer la dépendance des personnes âgées.
La France est le pays européen qui compte le plus de centenaires, notamment parce que nous sommes l'un des pays les plus peuplés. Depuis 1975, leur effectif augmente régulièrement de 7 % par an. Ils restent cependant minoritaires (0,03 % de la population française en 2016) et continueront à l'être (0,4 % à l'horizon 2070).
La doyenne à 113 ans
Sur internet, Laurent Toussaint les traque pour mieux les connaître. Son site centenaires-français.forumactif.org liste les ainés ayant passé la centaine, et se concentre sur les plus âgés d'entre eux.
Honorine Rondello, la nouvelle doyenne des Français et ses 113 ans, arrive en tête du classement (le record de la doyenne de l'humanité Jeanne Calment, morte à 122 ans est encore loin devant !). Après elle, Laurent Toussaint décompte 184 personnes de 107 ans et plus ; et 35 super-centenaires (plus de 110 ans). Parmi eux, surtout des femmes : les hommes ne sont que 15 à avoir passé 107 ans, et le premier monsieur - Roger Auvin, 108 ans - n'arrive qu'en 63e positions.
Un centenaire français sur deux continue de vivre chez lui. "La relative importance de la vie à domicile s'explique en partie par le fait qu'ils sont les moins fragiles de leur génération et donc les plus susceptibles d'être autonomes", note l'Insee. L'augmentation de la longévité est une "bonne nouvelle" pour Pascal Champvert, président de l'Association des directeurs au service des personnes âgées (ADPA), "quand on évoque le vieillissement de la population, on imagine tout de suite des personnes dépendantes. C'est faux, 80 % des plus de 80 ans vont bien ! Ils contribuent à l'activité économique en tant que consommateurs - dans la santé, les loisirs et le tourisme, et s'investissent dans le milieu associatif ou servent de relais à leurs familles en gardant leurs petits ou arrières-petits enfants.
Les 20 % qui doivent être aidés pour faire face à leur dépendance dont aussi fondamentaux pour l'économie, car leurs besoins créent des emplois d'aide à domicile ou dans les maisons de retraite". Reste une lourde équation à résoudre. À l'horizon 2060, la dépense publique consacrée à la perte d'autonomie devrait passer, en l'absence de réforme, à 35 milliards d'euros, soit 1,77 point de PIB. La somme à la charge des ménages augmentera elle aussi pour atteindre 16 milliards. La loi sur le vieillissement - votée en 2015 - tente d'adapter la société au grand âge, mais fait l'impasse - comme l'avaient fait les gouvernements précédents - sur l'écueil du financement... Élodie Bécu
Loïc Trabut - Chercheur à l'Institut national d'études démographiques
"Les personnes âgées vivront plus longtemps en bonne santé"
La France est-elle préparée à l'explosion du nombre de centenaires ?
Le vieillissement des populations européennes n'est pas nouveau. Il est déjà accompagné par des politiques publiques, en France, depuis la création de la prestation spécifique dépendance (1996), remplacée en 2002 par l'Allocation personnalisée d'autonomie (APA).
Le nombre de personnes dépendantes ne va pas forcément progresser de manière aussi exponentielle que le vieillissement de la population. Avec l'amélioration du niveau de vie des retraités et le progrès médical, elles seront en meilleure santé qu'auparavant. Et pourront rester autonomes plus longtemps que le générations précédentes
Comment financer les politiques de la dépendance ?
Le financement de la dépendance n'est pas tant une question de moyens que de choix politiques. Soit on opte pour une retour familialiste, individualiste, reposant sur l'aide des proches (et des femmes en particulier), soit on privilégie un modèle socialisé, reposant sur la mutualisation des coûts et des aides par des assurances sociales. Jusqu'à présent, les gouvernements successifs se sont refusés à faire de la dépendance un cinquième risque de la sécurité sociale, car prendre en charge la dépendance entraînerait une hausse des prélèvements sociaux.
Quel est l'enjeu en matière de santé
La partie "sociale" (aide à domicile...) de la dépendance pèse entre 5 et 7 milliards d'euros. La partie "santé" coûte de l'ordre de 12 à 13 milliards. L'enjeu pour l'Assurance maladie est de mieux prendre en charge ces malades âgés en faisant des économies. Une des pistes étudiées consiste à limiter le recours à l'hôpital, qui coûte très cher, en développant une meilleure articulation des soins à domicile. Recueilli par Élodie Bécu
122 ans, 5 mois et 14 jours, c'est l'âge de Jeanne Calment au moment de sa mort, le 4 août 1997 à Arles. Doyenne de l'humanité de 1988 jusqu'à sa mort, elle est encore aujourd'hui l'être humain ayant vécu le plus longtemps (avec une date de naissance certifiée).
Alimentation équilibrée, exercice et vie sociale
"Il n'y a pas de recette pour vieillir en bonne santé. Un ensemble de facteurs entrent en jeu : l'alimentation, le mode de vie, l'exercice physique mais également des paramètres d'hérédité génétique", explique le Dr Laurence Lévy-Dutel, auteur de Vivre heureux et centenaire (Éditions Eyrolles). À ses patients, elle conseille de manger équilibré et d'opter "pour les aliments riches en antioxydants" - vitamines A (tomates, carottes...), C (fruits rouges, agrumes...) et E (germes de blé, amandes...). Elle préconise également une activité physique régulière - "avec des exercices d'endurance plus que de musculation, comme de la marche". Autre élément d'importance : "l'activité sociale. Il est essentiel d'aller vers les autres, de continuer à avoir des échanges. Il existe de nombreuses possibilités : associations qui organisent des randonnées, clubs de bridge ou de tricot...".
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