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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du dimanche 9 juillet 2017

 

 

 

TERRORISME - BATAILLE D'INFLUENCE. LA RIVALITÉ ENTRE DAECH ET AL-QAIDA

 

 

Alors que le groupe État islamique subit des revers majeurs en Syrie et en Irak, la nébuleuse terroriste créée par Ousama Bel Laden semble retrouver de la vigueur. Y-a-t-il un lien ? État des lieux.

 

 

À Raqqa, comme à Mossoul, Daech n'a pas encore dit son dernier mot. Mais les jours semblent comptés. La pression de la coalition internationale, des Kurdes au nord du pays, et de l'armée syrienne soutenue par la Russie et l'Iran ont largement réduit l'emprise territoriale du groupe djihadiste (Au 31 mai 2017, selon des chiffres de la coalition, Daech avait perdu 70 % du territoire irakien et 51 % du territoire syrien qu'il contrôlait en août 2014). Ces deux villes emblématiques du "califat" proclamé en 2014 par Abou Bakr-al-Baghdadi pourraient tomber dans les semaines qui viennent.

 

 

Pour autant, cela ne signifie pas la fin du terrorisme global, dominé ces dernières années par Daech, qui garde une forte attractivité, malgré ses revers, sur le continent européen. Manchester, Londres, Égypte... les derniers grands attentats ont été d'ailleurs revendiqués par l'organisation État islamique.

 

 

Sur le "marché" du terrorisme, Daech, née en 2006, a supplanté Al-Qaida, notamment en raison du choix de ses cibles, la plupart du temps des symboles forts de la vie occidentale. Car à part l'attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015, puis celui de Saint-Petersbourg, le 3 avril dernier (15 morts dans le métro), Al-Qaida a été d'abord actif essentiellement sur le territoire irakien.

 

 

 

Un héritier nommé Ben Laden

 

Pourtant, certains signes laissent penser que la "franchise" terroriste, fondée en 1985 par Oussama Ben Laden, reprend de la vigueur. Al-Qaida a repris pied au Yémen, a longtemps résisté en Syrie (à travers le front Al-Nosra), au Sahel. Au Mali, par exemple, AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique) est représenté depuis mars par "Le groupe de soutien à l'islam et aux musulmans", une alliance de plusieurs groupes djihadistes fédérés par le touareg Iyad Ag Ghali.

 

 

Cet homme fort du Nord-Mali est à l'origine de la vidéo de plusieurs otages (dont la Française Sophie Pétronin) dévoilée dimanche, jour du G5 Sahel à Bamako, auquel a participé Emmanuel Macron. De nombreux connaisseurs du pays estiment que Ghali noue des alliances et étend son influence, sans doute avec la complicité d'une partie des populations touarègues et peules. Selon Philippe Migaux, spécialiste du Sahel à Sciences Po Paris, Ghali serait à "la recherche d'un nouveau positionnement et d'une légitimité sur sa zone".

 

 

Mais c'est peut-être en misant sur le nom Ben Laden que l'organisation terroriste entend rivaliser avec Daech. Il y a quelques semaines, Hamza Ben Laden, âgé de 28 ans et fils d'Oussama, a délivré un message audio menaçant d'attaque "par n'importe quel moyen les Occidentaux". Comme aux plus belles heures de son paternel, tué en 2011 dans l'assaut des forces spéciales américaines.

 

 

Quelle place peut occuper Hamza - désormais fiché sur la liste américaine des terroristes recherchés dans la stratégie d'Al Qaida, dirigée aujourd'hui par l'Égyptien Ayman al-Zawahiri, vieux compagnon de route de son père ? Avec son profil, sa filiation, c'est incontestablement "un bon produit d'appel" pour l'organisation qui a perdu du terrain ces dernières années face à Daech sur la tête de gondole du terrorisme international.

 

 

La rivalité se joue à l'échelle du globe, et jusqu'au fond des grottes afghanes : il y a quelques jours, les djihadistes de Daech, dont les derniers attentats en Afghanistan ont été très meurtriers, ont délogé les talibans de Tora-Bora, antre d'où Oussama Ben Laden défia les puissances occidentales. Une prise hautement symbolique. Xavier Frère

 

 

 

 

 

Gilles Ferragu historien (Paris-Ouest-Nanterre), spécialiste du terrorisme

 

 

 

"Al-Qaida va laisser Daech péricliter"

 

 

 

 

Daech a presque perdu Mossoul, bientôt Raqqa. La fin du "califat" est proche. Cela signifie-t-il moins d'attentats terroristes ?

 

Dans la logique de Daech, c'est toujours le bon moment pou montrer qu'il a une capacité offensive. Et pour inciter via ses réseaux, ses médias, des terroristes potentiels dans les différents pays à agir. Combien d'attentats ont été commis avec des armes "locales", du moment qu'il faut tuer ? Il y a une surenchère dans la radicalisation. On a d'impression que Daech brûle ses derniers bateaux. Ça décrit plutôt l'attitude d'un groupe qui sent le vent du boulet... voir la fin.

 

 

 

Le djihadisme a-t-il encore un avenir ?

 

Daech aura incarné la création d'un califat, ce qui était, théoriquement, l'aboutissement absolu du djihadisme. Et lors de la proclamation du califat, Abou Bakr al-Baghdadi, sans jamais mentionner Al-Qaida, affirmait qu'il avait réussi ce qu'Al-Qaida n'avait pas fait : cette "obligation manquante" de l'islamisme. La disparition de Daech ne fait pas disparaître l'islamisme djihadiste. À mon sens, ce califat de Mossoul sera toujours revendiqué, comme Al-Qaida, qui a disparu d'Afghanistan, mais a retrouvé ses marques dans d'autres pays. L'hydre, elle, garde une tête, qui s'appelle le calife, terroriste. Dans cette confrontation entre les deux entités terroristes, se pose la question d'un possible califat : Al-Qaida va-t-elle franchir le Rubicon et proclamer le califat quelque part ? Ce n'est pas vraiment sa stratégie, c'est une hypothèse même si Al-Qaida est d'abord une entreprise de guerre contre l'Occident.

 

 

 

Existe-t-il ne vraie rivalité entre les deux groupes ?

 

Oui, on l'a notamment vue lors des attentats en 2015. Daech est plus connu à travers la crise syrienne. Al-Qaida va laisser Daech péricliter et va reprendre le flambeau de l'islamisme djihadiste. Al-Qaida apparaît de plus en plus comme une nébuleuse, chaque groupe qui se revendique d'Al-Qaida est piloté par lui-même, plus par une direction centrale, comme au temps des grandes années (1990-1999). Certains terroristes se revendiquent encore de l'influence d'Oussama Ben Laden, c'était une icône, d'autres d'Al-Baghdadi, même si ce dernier a beaucoup moins communiqué sur lui-même. C'était deux stratégie de communication différentes. Qui va désormais incarner ce djihadisme dans un territoire déstabilisé ? Recueilli par X.F.

 

 

 

 

 

 

 

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■ Mossoul : reprise imminente

 

Hier soir, les forces irakiennes étaient tout près de reprendre la petite poche tenue par les derniers djihadistes à Mossoul, ultime bastion urbain de Daech en Irak. Selon le général américain Robert Sofge, l'annonce du succès final de l'offensive était "imminente" :  "Je ne veux pas spéculer s ce sera aujourd'hui ou demain mais je pense que ce sera très bientôt". Après huit mois d'efforts, la reprise de la deuxième ville du pays constituerait le plus important succès dans la guerre contre le groupe ultra-radical.

 

 

 

■ Ça patine en Syrie

 

À Raqqa, fief de l'organisation islamiste en Syrie, des combattants arables et kurdes syriens, soutenus par Washington, peinaient, eux, à progresser dans la vieille ville, où les djihadistes ont intensifié les attaques suicide et les tirs d'obus.

 



11/07/2017
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