le Progrès du jeudi 12 mai 2016
SOCIAL - TENTATIVE DE MOTION DE CENSURE DE GAUCHE, CONTESTATION DANS LA RUE
Loi Travail : la majorité au bord de l'implosion
La loi Travail tourne au cauchemar pour le gouvernement qui échappé à deux voix près au dépôt d'une motion de censure de gauche symbolique. Aujourd'hui, il devra affronter une nouvelle journée de manifestations à risque.
Pas de censure mais une fracture ouverte et désormais impossible à refermer dans la majorité : véritable chemin de croix, la loi Travail rend interminable cette fin de quinquennat pour un gouvernement malmené à l'Assemblée nationale comme dans la rue par une partie de ceux qui l'ont soutenu et porté au pouvoir voilà quatre ans.
À deux signatures près (56 au lieu de 58) hier, François Hollande et Manuel Valls ont échappé au dépôt d'une motion de censure par des députés élus en 2012 sous les couleurs de leur propre majorité. Il faut remonter loin (1962) sous la Ve République pour trouver trace d'une telle fronde. Le mot cette fois n'est pas usurpé. "La loi Travail n'est majoritaire ni chez les élus du peuple ni dans l'opinion", rappelle la députée socialiste et ex-ministre Delphine Batho qui précise : "Je n'ai pas signé la motion mais je n'aurais pas voté la loi El Komri".
Les députés PS se lâchent
Le passage en force institutionnel sur le sujet du travail, central pour le PS depuis 80 ans, confirme la division idéologique qui traverse la gauche et aussi la représentation syndicale : une ligne socio-libérale incarnée par l'exécutif sur le plan politique et les syndicats réformistes, une ligne de gauche classique revendiquée par l'aile gauche du PS et les syndicats qui appellent à manifester.
Si formellement seulement 27 députés PS sur 285 ont signé le texte de la motion avortée, ils sont beaucoup plus nombreux à contester les fondement de la loi Travail et à remonter du terrain le ras-le-bol social général. "Ceux qui défilent dans la rue ont voté pour nous en 2012", rappelait la présidente PS de la commission des affaires sociales de l'Assemblée Catherine Lemorton dont la permanence à Toulouse a été vandalisée hier. L'ambiance au PS est électrique entre pro et anti loi Travail.
Depuis hier, la synthèse chère à François Hollande ne tient plus. Le gouvernement résistera cet après-midi à la motion des députés de la droite et du centre qui sera aussi votée par les 13 communistes et Front de gauche, par une dizaine de députés non inscrits et peut-être quelques socialistes rageurs (un potentiel de 245-252 voix alors que 288 sont nécessaires).
Manifs incrontrôlable ?
Le danger aujourd'hui ne viendra pas de l'Assemblée mais de la rue. Les opposants de la première heure défileront pour la cinquième fois contre la loi Travail à l'appel de la CGT, FO, FSU, Solidaires et de trois syndicats lycéens et étudiants. Au fil des semaines, les grèves et les cortèges ont perdu de l'épaisseur mais leurs organisateurs en ont perdu le contrôle.
Les manifestations qui ont suivi le déclenchement du 49-3 mardi soir ont donné lieu à des dérapages un peu partout en France. Permanences de parlementaires et de fédérations socialistes vandalisées (Caen, Dijon, Nantes, Lyon), heurts avec les cordons de police et interpellations (Nantes, Toulouse), circulation entravée (Paris, Lille) : les forces de l'ordre n'ont pas chômé pour éviter la casse. La CGT a appelé ses fédérations de dockers, marins, et FO les routiers "à durcir l'action".
D'autres actions sont prévues la semaine prochaine (17 et 19 mai). L'hostilité des slogans ("pourris", "sociaux traîtres", dégage") témoigne de la montée de tension. Les débordements et les mouvements comme Nuit Debout en plein état d'urgence donnent un sentiment de pagaille et de lassitude. L'épisode social peut tourner encore plus mal que l'épisode législatif. Pascal Jalabert
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