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L'AIR DU TEMPS

Le progrès du jeudi 18 juin 2015

 

 

 

HISTOIRE - La fascination pour Napoléon toujours intacte. Bicentenaire de la bataille de Waterloo en Belgique. C'est l'autre 18 juin. Voici deux siècles, jour pour jour, l'épopée napoléonienne s'éteignait près d'une petite ville de Brabant : Waterloo. Mais c'était aussi le début d'une légende qui perdure encore aujourd'hui.

 

 

80 000 livres environ ont été consacrés à Napoléon, soit plus d'un par jour depuis sa mort le 5 mai 1821, d'un cancer de l'estomac. Mais l'Empereur est également le roi de la pellicule : un millier de films environs lui ont été consacrés, soit plus qu'à Jésus.

 

 

A quoi ont abouti les immenses sommes dépensées en libelles contre moi ? Bientôt il n'y en aura plus de traces, tandis que mes monuments et mes institutions me recommanderont à la postérité la plus reculée. La première fureur passée, les gens d'esprit et de jugement me reviendront. Napoléon Bonaparte, cité dans le Mémorial de Sainte-Hélène d'Emmanuel de Las Cases (1823)

 

 

 

 

 

Questions à Jean Tulard

 

 

 

Historien, spécialiste de l'époque napoléonniene

 

 

 

 

"Bonaparte est un mythe moderne"

 

 

 

 

Pourquoi Napoléon fascine-t-il encore tant, près de deux siècles après sa mort ?

 

C'est un mythe moderne. Déjà, Napoléon a créé  un personnage qui est conçu pour l'image. Napoléon, c'est quoi ? Un petit chapeau, une redingote grise, la main dans le gilet : n'importe quel acteur peut l'interpréter, tout le monde le reconnaîtra immédiatement. Ensuite, il y a un destin fabuleux : songez qu'il part de rien pour finir... rien. Après avoir couché aux Tuileries, au château de Potsdam, au Kremlin, à l'Escorial de Madrid et à Schönbrunn en Autriche, il se retrouve dans une baraque battue par les vents... Il y a également la gloire militaire, les batailles, les uniformes... Et les femmes ! Joséphine qui l'initie à l'amour, Pauline, la sœur ravissante, Marie Walewska, la  belle maîtresse polonaise et fidèle, et l'épouse Marie-Louise qui lui sera infidèle... Napoléon est cocu ! Et puis vous avez les deux plus beaux traîtres de notre histoire : Talleyrand et Fouché le vice appuyé sur le bras du crime. Vous trouvez tout dans l'histoire napoléonienne : la gloire, l'amour, le désastre...

 

 

 

 

Mais ce mythe correspond-il à la réalité ?

 

Indiscutablement, Napoléon a créé lui-même sa propre légende. Beaucoup de choses qui l'entourent sont évidemment fabriquées. Il est ainsi probable que le fameux mot de Cambronne n'a pas été prononcé à Waterloo... Mais parce qu'il a dit "La garde meurt mais ne se rend pas", Waterloo reste une défaite glorieuse pour la France. C'est très français : tout est perdu, sauf l'honneur !

 

 

 

 

Que se serait-il passé si Napoléon avait gagné à Waterloo ?

 

Il aurait probablement été vaincu à la bataille suivante... Talleyrand reste à Vienne, et pourtant c'est une vraie girouette, Fouché reste ministre de la Police à Paris mais pour préparer le retour de Louis XVIII... La supériorité numérique des Européens était telle que Napoléon aurait été submergé par le nombre. A Waterloo, tout était déjà joué. Recueilli par Jean-Michel Lahire

 

 

 

 

 

L'HERITAGE

 

 

Le code civil

 

Napoléon le considérait comme son principal titre de gloire : promulgué en 1804, le code civil doit beaucoup à sa volonté d'unifier enfin le droit français, même si le processus avait déjà été entamé sous la Révolution. Inspiré par les Lumières, il sera exporté lors des guerres napoléoniennes avant de devenir au XIXe siècle une source d'inspiration pour les législateurs de nombreux Etats en cours d'émancipation.

 

 

 

Le Baccalauréat

 

La Révolution avait fait table rase des universités d'Ancien régime, Napoléon les rétablit en 1806. Le baccalauréat est restauré deux ans plus tard, dans la version modernisée qu'on connaît aujourd'hui. En 1808, seuls 21 bacheliers avaient été reçus. L'an dernier, ils étaient plus de 624 000.

 

 

 

La justice

 

Malgré quelques changements de dénominations, l'organisation juridictionnelle française a peu évolué depuis 1804 et l'instauration des cours d'appel et de la Cour de cassation. Le conseil des Prud'hommes, dont le premier a vu le jour à Lyon en 1806, remonte également à cette époque. Quant au Conseil d'Etat, créé en 1799, il avait largement été inspiré par Napoléon à travers la constitution de l'an VIII.

 

 

 

 

La Légion d'honneur

 

Instaurée en 1802, la Légion d'honneur reste la plus haute décoration honorifique française. "C'est avec des hochets qu'on mène les hommes" avait justifié Napoléon, qui tenait beaucoup à la création de cette distinction commune aux civils et aux militaires.

 

 

 

Les institutions

 

Le Sénat est un héritage direct de la constitution de l'an VIII, qu'il était chargé de faire respecter. Inspiré du Sénat romain, il se transformera à partir de 1802 en organe législatif. Autres créations de cette époque :

 

 

- les préfets (1800) chargés de représenter l'Etat dans les départements

 

- la Banque de France (1800) ou encore

 

- les chambres de commerce (1802)

 

 

 

 

 

 

 

De Trafalgar à la Bérézina

 

Dans l'Histoire de France, peu de batailles ont autant marqué l'imaginaire collectif que Waterloo. Au point d'être quasiment devenu un nom commun, synonyme cuisant de défaite en rase campagne. Une élimination piteuse en championnat ? Une raclée électorale ? Titres et commentaires fleurissent aussitôt pour évoquer un Waterloo sportif ou politique, quasiment érigé au rang de drame national. Etrange paradoxe : alors que le souvenir des victoires napoléoniennes reste omniprésent dans la géographie urbaine, de la gare d'Austerlitz à Paris aux innombrables point d'Iena en passant par les avenues de Wagram, les défaites impériales ont trouvé refuge dans le langage courant. Ainsi le "coup de Trafalgar" (l'anéantissement de la flotte de Napoléon en 1805) permet-il toujours de qualifier un événement aux conséquences désastreuses, alors que le passage de la Bérézina a fini par se révéler tout aussi convaincant dans l'évocation de la défaite que Waterloo. Et tant pis si la célèbre bataille de la campagne de Russie était en réalité une victoire de la Grande Armée, il est vrai en pleine retraite... J.-M.L

 

 



21/06/2015
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