le Progrès du jeudi 19 mai 2016
DIPLOMATIE - OTAN. FAUT-IL AVOIR PEUR DE LA RUSSIE ?
Climat de "guerre froide" entre la Russie et l'Otan (qui réunit Europe et État-Unis), depuis l'annexion de la Crimée il y a deux ans. Chaque camp rejette bien sûr la faute sur l'autre...
Sacré "timing", comme on dit en américain. Les États-Unis ont déployé la semaine dernière un système de défense antimissile en Roumanie et en Pologne, juste avant la réunion aujourd'hui des ministres de la Défense de l'Otan. Et la réponse n'a pas tardé : ces antimissiles sont "une menace pour la sécurité de la Russie", a protesté le porte-parole de Vladimir Poutine.
La Russie agresse
La tension ne cesse de monter à l'est de l'Europe. Comme un relent de Guerre froide qui menace à tout moment de devenir "chaude", depuis que la Russie s'est emparée de la Crimée, en mars 2014, avant l'occuper l'est de l'Ukraine.
Ces événements "ont changé notre paysage sécuritaire", a commenté Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'Otan, pointant le changement le plus important "depuis la chute du Mur de Berlin". D'autant que l'épisode ukrainien avait été précédé d'un coup de force en Géorgie, en 2008, et s'accompagne d'une campagne de déstabilisation de la Moldavie. "On a trop laissé Poutine jouer son jeu", s'alarmait récemment l'ambassadeur de la Roumanie à Paris.
La réaction est en paroles, et en actes. Les États-Unis vont multiplier l'année prochaine par quatre leurs dépenses militaires en Europe, à 3,4 milliards de dollars. La Lettonie a augmenté en 2015 son budget défense de 14 %, la Pologne de 22 %, la Lituanie de 33 % !
En face, la Russie ne reste pas l'arme au pied : elle vient d'annoncer la création de trois divisions militaires dans l'ouest et le sud du pays, pour "contrecarrer le renforcement des forces de l'Otan"...
L'Otan s'étend
C'est qu'elle peut, a contrario, dénoncer la menace de "l'Occident". L'attaque sur l'Ukraine, vue de Moscou, était une réponse à la volonté des Européens la faire adhérer à l'Union, sas d'entrée vers l'Otan. La Russie peut pointer l'invitation envoyée par l'Organisation atlantique au Monténégro, sur son flanc sud. Ou encore les adhésions envisagées de la Suède et la Finlande.
La Russie est "comme un ours encerclé", explique Jean-Pierre Pagé. Nostalgique de son empire, affaiblie par la crise économique née de la chute des prix du pétrole, d'ailleurs fréquemment attribuée aux Américains, dans la tradition complotiste soviétique. N'oublions pas un autre front, plus au sud-est, en Syrie : la Russie, alliée de Bachar al-Assad, y frôle chaque jour l'affrontement direct avec la Turquie, alliée de fait avec Daech, mais aussi membre de l'Otan.
La récente baisse de tension sur ce front entre États-Unis et Russie est-elle durable ? Peut-elle augurer d'une détente plus générale, profitant aussi à l'Europe ? Rendez-vous en juillet à Varsovie, pour le sommet des chefs d'État et de gouvernement de l'Alliance. F.B.
"Un ours encerclé qui se défend"
La menace la plus importante est bien à l'est ?
"La menace russe est artificiellement gonflée pour donner un sens à l'existence de l'Otan. C'est un fantasme, et une erreur qui risque de nous entraîner dans une aventure dangereuse"
La politique de Vladimir Poutine à l'égard de ses voisins est quand même assez agressive...
"Je ne sous-estime pas les tendances nationalistes de Vladimir Poutine, mais il faut se mettre à la place des Russes. Souvenez-vous de la France, quand elle a perdu son empire colonial : il y a eu chez les Français un sentiment d'effondrement et d'injustice. Et quand l'empire russe s'est désagrégé, l'Otan a promis à Mikhaïl Gorbatchev de ne pas aller jusqu'à ses frontières - promesse non tenue, puisqu'elle s'est étendue aux Pays Baltes. La Russie est un peu comme un ours encerclé qui se défend, parfois avec une certaine agressivité".
Comme en Ukraine ?
"En Ukraine, la faute est à l'Occident. L'Ukraine doit être un pont entre la Russie et l'Europe. Mais il a été rompu par les tentatives des Polonais et des Américains de l'attirer insidieusement dans le giron occidental".
Les amitiés de Vladimir Poutine, par exemple avec Marine Le Pen, montrent qu'il aimerait bien voir se défaire l'Union européenne...
"Un conseiller du président Poutine me disait, à l'issue d'un séminaire : surtout ne faites pas la même bêtise que nous, ne défaites pas l'Union ! Poutine veut reconstituer une forme d'empire russe, c'est vrai. Mais il a aussi un grand voisin très dangereux, la Chine. Il préfère avoir de bonnes relations avec l'Europe, qu'être obligé à une alliance avec la Chine". Propos recueillis par Francis Brochet
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