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L'AIR DU TEMPS

le Progrès du jeudi 20 octobre 2016

 

 

 

MALAISE - LE GOUVERNEMENT TENTE DE DÉMINER LA CONTESTATION QUI MONTE DANS LES COMMISSARIATS

 

 

Les forces de police en quête de considération

 

 

Le manque de moyens et la sur-mobilisation des forces de l'ordre dans le cadre du plan Vigipirate mettent les nerfs à vifs. Mais c'est le sentiment d'être méprisés qui attise le plus la colère des policiers.

 

 

 

B

ernard Cazeuve, le ministre de l'Intérieur et Jean-Jacques Urvoas, le ministre la Justice, se sont relayés hier pour recevoir les syndicats des policiers et tenter de les calmer après de nuits de manifestations. Ils ont eu fort à faire, car le malaise est profond. Au-delà du manque de moyens et de la fatigue engendrée par la lutte anti-terroriste - tout cela met les nerfs à vif -, les policiers se sentent peu soutenus par les autorités et même par leur propre hiérarchie.

 

 

Jeudi dernier, une compagnie de CRS a été contrainte de passer la nuit dans ses camions, à Deuil-la-Barre (95), le cantonnement prévu étant dans un état de "saleté repoussante, avec des odeurs nauséabondes". Hier, des policiers de Toulon ont découvert qu'on leur avait alloué une voiture... trouée de balles.

 

 

"On nous prête une poubelle, réagit Frédéric Piquel, secrétaire départemental adjoint du syndicat de police Alliance. C'est assez symptomatique, on se fiche de ce que l'on nous donne. Je ne pense pas qu'on donnerait une voiture avec des trous au ministre. On n'a peut-être pas fait autant d'années d'études que lui, mais on mérite un minimum de considération".

 

 

 

 

3 267 blessés depuis le 1er janvier

 

Le grand mot est lâché. Ces incidents peuvent paraître mineurs en regard de l'attaque de Viry-Châtillon qui a failli coûter la vie à quatre fonctionnaires ou du guet-apens de Mantes-la-Jolie, où les policiers ont été attaqués par plus de 80 personnes. En réalité le manque de considération cristallise la colère.

 

 

Tout y passe : les juges qui remettent en liberté les délinquants parfois arrêtés après des semaines de travail éreintant et dangereux, la paperasserie tatillonne, les injures dont sont gratifiés les fonctionnaires, les soupçons systématiques de "bavure" quand une arrestation dégénère, les affiches de la CGT dénonçant la "violence policière" lors des manifestations syndicales, alors que les blessés sont souvent plus nombreux dans les rangs des forces de l'ordre que chez les manifestants. Selon les chiffres de la DGPN (Direction de la police nationale), les forces de l'ordre enregistrent une hausse de 14 % blessés, cette année, suit aux manifestations de ce printemps. Et 3 267 policiers ont été blessés dans le cadre de leur travail depuis le 1er janviers, soit 330 par mois.

 

 

 

Vieille méfiance gauche-police

 

Le quinquennat Hollande a mis fin à la drastique réduction des effectifs de la police et de la gendarmerie de la mandature précédente. 5 000 des 13 000 postes supprimés par Nicolas Sarkozy ont été à nouveau pourvus. Mais entre la gauche et la police persiste une méfiance qui plonge ses racines dans l'histoire. François Hollande avait promis de délivrer un récépissé aux jeunes de cités contrôlés par la police, comme si les "méchants" étaient les forces de l'ordre.

 

 

Manuel Valls a empêché in extremis l'application de cette mesure vexatoire. Mais les policiers en ont gardé rancoeur au président. Et quand Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste, explique, hier, leurs manifestations nocturnes par "la patte du Front national", ils sont confortés dans leur sentiment : la gauche au pouvoir ne les aime pas.

 

 

Après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher, en janvier 2015, des millions de personnes ont applaudi leur police, qui avait payé un lourd tribu au terrorisme. Ça n'a pas duré. Les manifestants sont rentrés chez eux. La police et la gendarmerie restent sur le pavé. Dans tous les sens du terme. Patrick Fluckiger

 

 

 

 

 

Le directeur de la police dans le viseur

 

 

Le patron de la police nationale Jean-Marc Falcone est reparti dans la nuit de mardi à mercredi sous les huées de quelque 400 fonctionnaires rassemblés pour soutenir leurs collègues menacés de sanction. Il a même dû être protégé par des commissaires.

 

 

Cette fois, il a dit comprendre l'exaspération alors que la veille il diligentait une enquête interne de l'IGPN, la police des polices sur la manifestation des Champs-Élysées. Revirement tardif et incompris.

 

 

"J'ai fait ces démarches pour arriver à un apaisement et si les choses entrent dans l'ordre on verra les suites à donner", a tenté de rattraper hier le préfet Falcone en vue lors des attentats de Paris en 2015. Les unités les plus exposées, notamment en zones sensibles lui reprochent avant tout son recours fréquent aux enquêtes internes et sa bienveillance pour l'IGPN. Il lui manque aussi des faits d'armes majeurs et un parcours 100 % police pour en imposer à la base.

 

 

S'il a bien débuté comme commissaire à Lille, puis à Grenoble, Jean-Marc Falcone, 63 ans, nommé à ce poste en 2014, est entré dans les cabinets ministériels en 1990 avant de devenir préfet et et sous-préfet.

 

 

 

 

 

REPÈRES

 

 

 

Le déclencheur

 

La grogne des policiers est exacerbée par l'attaque au cocktail Molotov d'un véhicule de police à Viry-Châtillon (Essonne) le 8 octobre, lors de laquelle un adjoint de sécurité de 28 ans a été très grièvement brûlé et reste à l'hôpital que mardi.

 

 

 

Cazeneuve veut discuter

 

Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé, après avoir reçu en urgence les syndicats, le lancement dès lundi de concertation dans les départements. Conclusions remises en décembre, mise en oeuvre dès 2017. Un plan de sécurité publique sera lancé en novembre avec les résultats de la concertation. Le ministre a promos de nouveaux matériels dès 2017 et l'amélioration des conditions de travail, avec des travaux.

 



22/10/2016
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