le Progrès du jeudi 28 avril 2016
ÉCONOMIE - SFR CRÉE UN GÉANT DE LA COMMUNICATION
Alliance télécoms-médias : révolution ou pari insensé ?
En plaçant sous la coupe de SFR ses activités médias, Patrick Drahi va créer le "premier opérateur de contenus en France". L'entrepreneur espère exporter avec succès le modèle anglo-saxon.
Jean-Marie Messier en avait rêvé, Patrick Drahi l'a fait. Seize ans après le patron glouton de Vivendi, l'ogre Altice va faire de SFR l'acteur de la "convergence" en France. Le pari est risqué. AOL et Time Warner (déjà en 2000) s'y était cassé les dents. Mais aujourd'hui "le contexte est différent, les technologies et les réseaux sont mûrs, les conditions sont réunies, c'est la réponse d'avenir", s'enthousiasme Michel Combes, le dirigeant de Numéricable-SFR qui va bientôt devenir groupe SFR.
La convergence, c'est réunir opérateur de téléphonie, producteur de contenus et régie publicitaire en une seule et même entité. Pour la France, c'est pratiquement inédit. France Télécom avait tenté l'aventure du contenu en 2008 avec Orange Foot puis Sport avent de cesser d'émettre quatre ans plus tard.
À l'époque, il fallait être client mobile pour accéder aux matchs de foot. L'offre était surtout trop petite et non exclusive, Canal + diffusant également les rencontres à ses abonnés. Un erreur stratégique que ne veut pas répéter SFR.
Offrir toujours plus de services
Patrick Drahi fait un autre pari. Celui que demain les abonnés ne choisiront plus seulement les opérateurs pour leurs réseaux ou tarifs mais plutôt pour les services qu'ils offrent. C'est pourquoi l'entrepreneur vise gros, toujours plus gros. Pour constituer cette offre globale et massive, il a racheté pour 360 millions sur trois ans les droits du championnat anglais de football (contre 190 millions pour Canal+ auparavant), il lance cinq nouvelles chaînes en s'appuyant sur NextRadioTV (BFM, RMC), il attire dans ses filets 17 titres de presse (Libération, l'Express, l'Étudian...) et promet de créer des contenus exclusifs, les fameuses séries originales, en coproduction avec HoT, l'opérateur israélien.
Les abonnés paieront-ils plus ?
En France, cette stratégie sera-t-elle suffisante pour enrayer la perte des abonnés SFR estimée à un million en 2015 et imputée à la baisse de qualité du réseau ? "Ces offres vont nous permettre d'aller chercher des clients additionnels, de justifier les tarifs et de fidéliser les abonnés existants", espère Alain Weill, président du groupe NextRadioTV : "le modèle fonctionne aux États-Unis et en Angleterre. SFR ne se contentera pas d'apporter le haut débit et la fibre".
Reste à savoir si les abonnés mobiles accepteront de payer plus cher pour un journal qu'ils n'avaient pas l'habitude de lire, une nouvelle série TV ou un match de foot. Avec cette convergence, SFR change en tout cas de catégorie. La concurrence ne s'appelle plus seulement Orange qui se diversifie dans les services du quotidien (banque, objets connectés, domotique, jeux) mais aussi Vivendi-Canal+, M6, TF1-Bouygues, HBO et Netflix les nouveaux géants des séries.
La contre-attaque ne devrait pas tarder. Sur les prix comme l'a fait BeIn Sport face à Canal+ ou sur les contenus ? "Si on est copiés c'est qu'on a raison", lance Alain Weill. L'abonné tranchera. O.M.
REPÈRES
La bataille du sport
A coeur de cette stratégie de convergence, le sport est "désormais l'un des piliers de l'offre SFR", selon Alain Weill, PDG de NextRadioTV. SFR va aussi lancer, entre août et septembre, un bouquet de 5 chaînes sportives payantes baptisées SFR Sport.
La bataille des chaînes
Dans le cadre d'une offre distincte baptisée SFR News, BFM TV va lancer deux nouvelles chaînes : BFM Sport en juin et BFM Paris en octobre.
La bataille de la presse
Au sein de SFR Presse, tous les titres seront disponibles dans une application dédiée gratuitement aux abonnés SFR box et mobile et à 19.99 € par mois pour tous les autres clients.
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