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AVIATION - Solar Impulse 2 à l'épreuve des nuits. Première traversée d'un océan, le Pacifique, par un avion à énergie solaire. Dans le cadre de son tour du monde, l'avion propulsé à la seule énergie solaire a décollé de Chine et se dirige vers Hawaï. Le trajet durera six jours et six nuits, avec un seul pilote à son bord.

"Il y a 16 ans, j'ai eu la vision d'un avion volant pour toujours. Le Pacifique est le moment de vérité. "Accompagnant le tweet de Bertrand Piccard hier, une photo en noir et blanc de l'explorateur, son regard pâle fixe, les mains jointes en une prière silencieuse. Avec André Borschberg, actuellement aux commandes de Solar Impulse 2, l'aéronaute Bertrand Piccard est un des initiateurs et pilotes de cet avion révolutionnaire, fonctionnant uniquement grâce à l'énergie solaire.

Solar Impulse 2 relève actuellement son plus grand défi depuis le début de son tour du monde le 9 mars : une traversée du Pacifique de 8 500 kilomètres qui devrait durer environ 130 heures. Jusqu'ici, l'avion aux ailes recouvertes de plus de 17 000 cellules photovoltaïques n'avait jamais volé plus d'une vingtaine d'heures d'affilée, dans son tour du monde.

Epopée humaine

Solar Impulse a pris son envol pour Hawaï à 2 h 40 du matin dimanche (20 h 40 samedi heure française) dans la ville chinoise de Nankin. Dans le cockpit pour ce vol sans escale de six jours et six nuits, un seul pilote : le Suisse André Borschberg, 62 ans. C'est une véritable performance humaine qui l'attend : il ne pourra dormir que par sessions de 20 minutes et affrontera des altitudes himalayennes autour de 8 400 m.

Dans sa cabine non-pressurisée, les variations de températures atteindront les 55 degrés. Son siège, qu'il ne pourra quitter, est équipé d'un système de WC. Et en cas de panne grave, une unique solution : un saut en parachute dans l'océan avec un radeau de survie pour seule aide. Le tout à des centaines de kilomètres des côtes et de tout secours puisque l'appareil, dont la vitesse est d'environ 100 km/h, ne peut être suivi par un navire. Ce qui n'inquiétait pas André Borschberg à quelques heures du décollages : "Je ne vois pas cela comme risqué, nous avons travaillé longtemps sur les différents problèmes. Si nous perdons un moteur, on peut voler avec les trois autres".

André Borschberg

Tour du monde

Si cette traversée océanique se déroule sans encombre, elle sera inscrite à tout jamais dans les annales de l'aviation. Historique, oui, mais pas décisif. Pour ses créateurs, Solar Impulse n'a qu'une véritable raison d'être : promouvoir l'usage des énergies renouvelables. Sur la coque blanche du bijou technologique un seul mot-clé : "future is clean" (le futur est propre).

Après cette septième étape jusqu'à Hawaï, Solar Impulse continuera sa route jusqu'à Phoenix (Etats-Unis). Puis il retournera, en quatre étapes supplémentaires, vers Abou Dhabi. 35 000 kilomètres et deux océans auront alors défilé sous les grandes ailes fines de Solar Impulse 2 pour un tour du monde complet, à la seule énergie solaire. Clémence Lesacq

Consultant aéronautique et transport

"Pas d'énergie solaire pour les avions de transport"

Un avion comme Solar Impulse 2, fonctionnant uniquement à l'énergie solaire, peut-il révolutionner le transport aérien ?

Solar Impulse 2 réalise une véritable prouesse technique. Mais si vous me demandez si les avions de transport fonctionneront un jour en électrique solaire, c'est non. Au mieux, on dégage 100 à 150 watts au mètre carré avec un panneau solaire... Il faudrait des centaines d'hectares de panneaux pour avoir la puissance nécessaire pour faire décoller un avion de transport !

Le solaire pour l'aviation civile, ce n'est donc qu'un doux rêve...

Pour les avions de ligne, on peut imaginer qu'ils se dotent de cellules solaires pour alimenter au sol les équipements de bord, la climatisation, etc. Mais la technique de Solar Impulse pourrait surtout être appliquée pour de petits avions. Des avions biplaces d'entraînement seraient parfaits pour les écoles, surtout quand les aérodromes doivent faire attention aux bruits qu'ils causent aux riverains... Des avions solaires seraient silencieux, coûteraient moins cher en carburant... et en pollution !

Les technologies de Solar Impulse 2 seront-elles utiles dans d'autres domaines ?

Outre l'optimisation des moteurs et des moteurs et des hélices de cet avion, les équipes qui ont travaillé sur ce projet ont énormément fait avancer la technique des panneaux solaires. Ceux qui équipent Solar Impulse sont ultra-performants, les meilleurs que l'on puisse trouver actuellement. C'est eux qui seront commercialisés d'ici cinq ans. Et ces panneaux peuvent être repris sur n'importe quelle surface sensible au soleil : lest toits des maisons, les façades des immeubles, les cartables des écoliers qui veulent recharger leur portable... Solar Impulse 2 laisse surtout un message important : on peut faire beaucoup avec très peu. Propos recueillis par C.L.