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ENTRETIEN DE RENTREE - Avec Gilles Ramstein, climatologue. "Le changement climatique fait disparaître notre environnement". En décembre, les dirigeants de 196 pays vont tenter de trouver à Paris un accord pour limiter le réchauffement climatique. Gilles Ramstein nous décrypte les enjeux climatiques de la COP21.

Le climat a beaucoup évolué depuis des millions d'années. En quoi le réchauffement actuel est-il particulier ?

C'est la rapidité à laquelle nous changeons le contenu de l'atmosphère qui est spécifique. A l'échelle géologique, nous n'avons jamais observé un tel rejet de CO2 en si peu de temps.

Depuis un million d'années, nous vivons des oscillations de cycles glaciaires et interglaciaires, chacun s'étalant sur des dizaines de milliers d'années. Dans un cycle glaciaire, il se dégage dans l'atmosphère 180 partie par million de CO2. Dans un cycle interglaciaire, plus chaud, la quantité de CO2 est plus importante : 280 ppm. Or, en 150 ans, nous sommes passés de 280 ppm à 400 ppm. Alors que pour descendre de 400 ppm à 280 ppm, il a fallu des millions d'années !

Par l'action de l'homme ?

C'est indiscutable. Pour trouver la période la plus proche, où le taux de CO2 était de 400 ppm comme aujourd'hui, il faut remonter 3 millions d'années en arrière ! Le Groenland était alors très différent de ce qu'il est aujourd'hui. Sa calotte de glace était soit inexistante, soit recouvrait au mieux la moitié de sa surface actuelle. Et il n'y avait peut-être pas d'Antarctique de l'Ouest. Les hommes vivent depuis 7 millions d'années dans un monde froid. Et cela, nous sommes en train de la changer très rapidement.

Si nous continuons en ce sens, à quoi ressemblera la planète ?

La question ce n'est pas la planète, mais les hommes. La terre résistera très bien, et le climat continuera d'exister comme depuis des milliards d'années. Pour l'homme, c'est plus problématique. Avec le changement climatique, c'est nous, notre environnement, que nous faisons disparaître. Nous mettons le système hors équilibre : il n'a plus le temps de réagir et de mettre en place des contre-réactions à des sollicitations brutales et de grande ampleur.

Il est encore temps de réagir ?

Oui. Le rôle des scientifiques est d'identifier le problème. Pour le trou dans la couche d'ozone, ils ont trouvé le responsable, les chlorofluorocarbures (ou CFC), et ont permis de l'éliminer des frigidaires. Il était facile de les remplacer par d'autres gaz. Cette fois aussi, les scientifiques ont posé le diagnostic : c'est le CO2 qui est responsable du réchauffement climatique. Mais comme le combustible fossile est au coeur du développement contemporain, c'est compliqué de trouver d'autres solutions. Il est nécessaire de le faire et de changer de modèle économique.

Qu'attendez-vous de la COP21 ?

La COP21 donnera quelques résultats, mais aussi des déceptions. C'est une étape, il faudra continuer. Je crois beaucoup à l'éducation. J'ai 55 ans : la génération de mes enfants sera la première à être réellement confronté à des problèmes climatiques graves. A la fin du siècle, on prévoit au moins un mètre de remontée du niveau marin : c'est énorme ! Il faut que les jeunes aient les outils conceptuels pour affronter ces changements.

L'Ile de Pâques s'est auto-détruite en usant jusqu'à la corde les ressources dont elle disposait. La même chose peut-elle se produire avec l'homme sur la Terre ?

L'homme a eu l'habitude de se construire en dilapidant. Cette croissance se fondait sur l'idée que la terre était pleine de bonnes choses et qu'on pouvait en profiter sans compter car ses ressources étaient presque infinies. Nous savons que cette idée est fausse. Mais je ne vois pas de remise en cause de cette dilapidation de richesses.

Est-ce que les technologies peuvent sauver le climat ?

On se trompe si on pense que la technologie résoudra tous les problèmes. De nombreuses civilisations ont disparu car elles ont fait des erreurs intellectuelles. Nous avons pris conscience du caractère fini d'un certain nombre de richesses. Il faut en tirer les conséquences en changeant nos comportements à l'égard de la nature. Recueilli par Elodie Bécu

Historien des climats de la Terre

Gilles Ramstein est climatologue et directeur de recherche au Commissariat à l'énergie atomique (CEA). Spécialiste de la modélisation du climat, il étudie depuis 25 ans les causes du changement climatique dans l'histoire de la Terre. Il s'attache à comprendre comment la paléoclimatologie permet d'éclairer les changements climatiques actuels. Il vient de publier Voyages à travers les climats de la Terre aux éditions Odile Jacob.