le Progrès du lundi 8 juin 2015
TURQUIE - Elections législatives hier. Erdogan perd la majorité absolue. Le parti AKP du président islamo-conservateur turc a perdu la majorité absolue qu'il détenait au Parlement depuis treize ans, enterrant les espoirs de l'homme fort de renforcer sa domination contestée. C'était prévu. Le Parti de la justice et du développement (AKP) arrive sans surprise en tête du scrutin. Mais il ne recueille que 43 % des suffrages et 267 sièges de députés sur 550, ce qui le contraint à former un gouvernement de coalition.
Elevé au rang de "faiseur de rois", le parti kurde HDP (Parti démocratique du peuple) a réussi son pari en passant la barre des 10 % des voix nécessaires pour être représenté sur les bancs de l'Assemblée nationale, où il devrait envoyer plus de 75 députés.
Les deux autres principaux concurrents du parti au pouvoir, le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) et le Parti de l'action nationaliste (MHP, droite), obtiendraient respectivement autour de 24 et 17 % des voix, soit 124 et 85 sièges.
Vainqueur de tous les scrutins depuis 2002, le parti islamo-conservateur se présentait pour la première fois affaibli face aux électeurs, victime du déclin de l'économie et des critiques sur la dérive autoritaire de son chef historique. Ce premier "raté" électoral sonne comme une sévère défaite pour M. Erdogan, qui s'est personnellement investi dans la campagne pour soutenir son parti et a transformé le scrutin en référendum autour de sa personne.
Premier ministre à poigne pendant onze ans, il a été élu haut la main président en août dernier et plaide depuis pour la présidentialisation du régime. Pour réussir son opération, M. Erdogan avait besoin d'un raz-de-marée électoral. Avec les deux tiers (367) des sièges, il pouvait faire voter sa réforme par son parti seul. Avec 330 élus, il pouvait la soumettre à un référendum.
A l'inverse, l'opposition a, tout au long de la campagne, dénoncé les projets de réforme du président les qualifiant de "dictature constitutionnelle". "J'espère que cette élection sera la bonne et que nous pourrons nous débarrasser de Tayyip et de sa bande", comment Ergin Dilek, un ingénieur de 42 ans venu voter pour l'opposition avec son épouse à Ankara. "J'ai voté pour l'AKP aux précédentes élections parce qu'ils ont fait du bon travail. Mais je n'ai plus confiance en eux", a renchéri Murat Sefagil, 42 ans, un électeur stambouliote.
Le chef de file du parti kurde, Selahattin Demirtas, un "quadra" charismatique et ambitieux, a mené une campagne moderne, très marquée à gauche et résolument dirigée contre M. Erdogan et son gouvernement, afin d'élargir son audience au-delà de la seule communauté kurde (20 % de la population turque).
Pas d'incident majeur
Les dernières semaines de la campagne ont été tendues et marquées par de nombreuses violences, visant pour l'essentiel le HDP. Comme l'opposition, le gouvernement a dénoncé une "provocation". Plus de 400 000 policiers et gendarmes ont été déployés pour assurer la sécurité du scrutin, selon les médias turcs, qui n'ont signalé que de rares incidents isolés.
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