le Progrès du mardi 15 août 2017
CENT JOURS, ET TOUJOURS SANS REPÈRES
Où en sommes-nous, cent jours après une élection présidentielle "chamboule tout", confirmée et amplifiée par des législatives qui ont réduit comme peau de chagrin les oppositions politiques ? Une impression d'hésitation domine, entre l'optimisme et l'impatience.
JÉRÔME FOURQUET : NOUS ASSISTONS À UN RETOUR AU RÉEL"
La victoire d'Emmanuel Macron serait celle de l'optimisme ?
Nous sommes face à l'émergence d'un nouvel électorat et d'une offre politique nouvelle, dans un paysage dont on sentait depuis longtemps les velléités de recompositions, mais auquel manquait l'élément déclencheur. Pour la première fois se sont opposés en finale, en l'absence de la gauche et de la droite classiques, deux courants incarnant une nouvelle ligne de fracture qu'on peut désigner par la société ouverte face à la société fermée, ou les optimistes face au pessimistes...
Les optimistes sont-ils les plus aisés ?
Pas seulement : c'est la France qui pense que demain ne sera pas pire qu'aujourd'hui, et ce sentiment ne dépend pas que du statut social. Il tient aussi à l'environnement local...
Qui change parfois à quelques kilomètres près : vous montrez comment le vote Macron suit la route des vins en Bourgogne, domine dans les stations de sport d'hiver des Alpes...
Oui, et sur la route des vins en Alsace, ou près des zones frontalières avec la Suisse et le Luxembourg... Ces territoires bénéficient de la mondialisation économique. Nous pouvons également voir comment ce sentiment d'optimisme a évolué selon les régions. La façade ouest, qui était encore très rurale su milieu des années 60, est aujourd'hui dans une dynamique plutôt positive. Ses habitants restent dans un schéma d'ascenseur social. Le sentiment opposé domine dans le nord-est industriel, qui se pensait comme le coeur battant de l'économie française, et se vit aujourd'hui en déclin. Cette distinction entre les territoires qui se sentent gagnants et ceux qui se sentent perdants, se retrouve pour l'essentiel sur la carte des votes Macron et le Pen
La cote de popularité d'Emmanuel Macron baisse. Sommes-nous devenus plus pessimistes ?
L'élection présidentielle avait fait grimper de cinq points l'optimisme général, mais le soufflet de cet "effet Macron" est retombé juste après les législatives. De plus, Macron fait 24 % au premier tour alors qu'Hollande avait fait 28,5 % en 2012 et Sarkozy, 31 % en 2007. La France optimiste n'est pas majoritaire. Nous assistons à un retour au réel.
Macron a vendu du rêve ?
Il s'est adressé avec brio à la France qui avait de penser qu'on peut réenchanter le rêve français, sans trop insister sur les efforts nécessaires. Il le paie un peu aujourd'hui.
Le défi Macron, c'est d'enchanter dans le réel ?
C'est une difficulté. L'autre relève d'une course contre la montre : la situation s'améliore, le moral des patrons de petites entreprises est bon, créant une fenêtre d'opportunité. Macron veut donc aller très vite, très fort dans les réformes, pour amplifier la reprise économique en cours, quitte à accepter temporairement une baisse de popularité. L'échéance à suivre est celle du 21 août, quand seront publiées les ordonnances sur le droit du travail : nous verrons s'il tient cette ligne, ou s'il est revenu à une logique plus "hollandaise", en mettant un frein de peur de braquer l'opinion. Propos recueillis par Francis Brochet
À lire : "Le Puzzle français", de Jérôme Fourquet et Hervé le Bras (Fondation Jean-Jaurès)
"Je ne crois pas aux "cent jours". Les derniers présidents ont construit les conditions de leurs échecs dans les premières semaines à cause de l'outrance, du déni du réel ou de la procrastination. On ne peut pas être dans un pays où la campagne dure deux dans et une présidence se réduit à cent jours". Emmanuel Macron, au JDD, le 8 avril 2017
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