le Progrès du mercredi 6 avril 2016
MOUVEMENT - LOI TRAVAIL. NUIT DEBOUT : ILS RÊVENT D'UN NOUVEAU JOUR
Des centaines de personnes s'installent chaque soir place de la République à Paris pour une "convergence des luttes". Reportage au cœur du mouvement né des manifestations contre la loi EL Khomri et qui veut bousculer les partis traditionnels.
Ils occupent la place de la République à Paris chaque soir depuis bientôt une semaine. Le mouvement "Nuit Debout" a vu le jour jeudi dernier, dans le sillage de la manifestation contre la loi travail. Hier, pour la sixième soirée consécutive, plusieurs centaines de manifestants étaient réunis sur cette place symbolique des mobilisations parisiennes. Ils disent tous rêver d'un autre monde. "Le retrait de la loi El Khomri, ce n'est qu'un détail. Même si cette loi est abrogée, on ne rentera pas chez nous. On tient la rue et on ne la lâchera pas",lance Franche, une jeune vacataire de 31 ans salariée de la Bibliothèque nationale de France, qui en est à son sixième jour des grève.
"Notre mobilisation vise d'abord à rassembler et à libérer une parole citoyenne inaudible dans les cadres étriqués de la représentation politique traditionnelle", proclame le collectif "Convergence des luttes", qui tente d'organiser et de structurer ce mouvement qui se présente comme spontané.
"Les jeunes n'ont plus de perspective d'avenir"
"On faisait les choses dans notre coin, mais on avait l'impression d'être muselés. En se rassemblant, on espère être plus forts", explique une Parisienne de 46 ans. Elle veut qu'on l'appelle Camille, prénom utilisé par les zadistes. "C'est le prénom qu'on a décidé de tous porter. Personne ne doit se mettre en avant.Il n'y a pas de hiérarchie dans notre collectif", explique cette militante engagée au sein d'une association de soutien aux jeunes mineurs isolés. En 2012, elle a voté Hollande. "Les jeunes n'ont plus de perspective d'avenir. La situation est catastrophique. On a un gouvernement censé être de gauche qui fait le contraire de ce qu'on attend de lui", dénonce la quadragénaire, qui est en train de confectionner une banderole.
Lors de l'assemblée générale "citoyenne" qui se tient chaque soir à 18 h, tout le monde peut prendre le micro. "En 1968, j'avais 18 ans. C'est parti pour vous". Surtout, ne lâchez pas. Ayez du courage et allez jusqu'au bout", lance un homme à une assistance surtout composée de jeunes. Un groupe de migrants et de réfugiés, notamment des Afghans et des Soudanais, vient d'arriver au milieu des banderoles. Le mouvement "Nuit debout" les a invités à établir leur campement sur la place de la République. "Leur quotidien, c'est d'être gazés et matraqués. Leur meilleure protection désormais, c'est nous", annonce un militant. Juste à côté des jeunes grattent une guitare en enchaînant les bières et en tirant sur un joint.
"Les lieux publics ne peuvent pas être privatisés"
Chaque matin, à l'aube, la police et la mairie font démonter les installations provisoires montées la veille sur la place. "Les lieux publics ne peuvent pas être privatisés par mesure de sécurité, quelles que soient les intentions", estime Anne Hidalgo, la maire PS de Paris.
Après Paris, le mouvement "Nuit debout" s'est étendu à une vingtaine de villes en France, dont Lyon, Marseille, Toulouse, Strasbourg. Ces rassemblements ressemblent au mouvement des "Indignés" de 2011 à 2012 qui n'avait pas rencontré un grand succès en France, contrairement à l'Espagne, où il a servi de terreau au parti de gauche radicale Podemos. La place de la République va-t-elle devenir une Puerta del Sol à la française, comme à Madrid il y a cinq ans ? En tout cas, les participants à la "Nuit debout" bousculent les partis politiques traditionnels. "Jean-Luc Mélenchon a tenté de se rapproprier le mouvement. Il a été refoulé. Il voulait nous donner des conseils, mais nous refusons toute récupération", commente Guillaume, un technicien de 32 ans, fidèle au poste depuis jeudi. Luc Chaillot
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