le Progrès du mercredi 7 décembre 2016
ÉDUCATION - CLASSEMENT PISA. LA FRANCE RESTE UN ÉLÈVE MÉDIOCRE
Stagnation en sciences, baisse en maths, mais légère amélioration en français. Surtout l'ascenseur social reste en panne dans l'école française, selon les résultats du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa) publiés hier.
L'étoile de la Finlande, longtemps considérée comme un modèle, pâlit. C'est l'Asie qui brille à nouveau dans l'enquête Pisa, Singapour en tête. Derrière suivent le Japon, l'Estonie, Taipei, la Finlande quand même, Macao, le Canada, le Vietnam, Hong Kong et plusieurs villes chinoises (Pékin, Shangaï), pour les compétences en sciences. Un domaine sur lequel a mis l'accent en 2015 le Programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa)
La France ? Ses élèves de 15 ans affichent des performances dans la moyenne des pays de l'OCDE, avec l'Autriche, les États-Unis et la Suède, derrière l'Allemagne et la Belgique. Après la douche écossaise provoquée par la publication des résultats de l'enquête TIMSS fin novembre, qui soulignait la chute en maths du niveau des écoliers en CM, on pouvait redouter le pire avec l'enquête Pisa.
La France sauve les meubles. Mais il n'y a pas de quoi se réjouir pour autant. Car notre pays recule invariablement dans le classement international : 22e en 2009, 25e en 2013, il passe à la 26e place (sur 72 pays) après l'enquête réalisée l'an dernier et publiée hier. Il n'y a pas eu de "Choc pisa" depuis le dernier classement comme ont pu le connaître l'Allemagne, le Portugal ou la Pologne, où les performances des élèves se sont améliorées.
En Sciences, la France reste stable : une stagnation qui la place un peu au-dessus de la moyenne (495 points contre 493). Avec 29 % d'élèves performants et très performants. Mais 22 % en difficulté (au-dessus de la moyenne OCDE). Pour les maths, la baisse observée ne l'empêche pas de rester dans la moyenne avec les États-Unis et l'Autriche mais derrière l'Allemagne.
Un peu mieux en français
Seule note réjouissante : la patrie de Victor Hugo progresse de trois petits points en français (compréhension de l'écrit) pour atteindre 499 point alors que la moyenne de l'OCDE se situe à 493. Les garçons ont obtenu de meilleurs résultats, mais restent largement devancés par les filles (29 points d'écart).
Surtout, la France reste la championne du monde des inégalités. "Près de 40 % des élèves issus de milieux défavorisés sont en difficulté", note l'OCDE cette année. Le score des élèves issus de l'immigration est inférieur de 62 points à celui des autres élèves dans l'enquête Pisa (contre 43 en moyenne pour l'OCDE). Ce qui représente l'équivalent de deux années d'écart de scolarité entre élèves favorisés et défavorisés pour la France (une année en moyenne pour l'OCDE). Déjà en 2000, la situation sociale des élèves sur-déterminait leurs résultats scolaires. Philippe Rivet
François Dubet, sociologue
"L'école souffre d'un manque de continuité"
Que vous inspirent les résultats Pisa 2016 ?
"La France n'occupe pas le rang que les investissements consentis et le niveau du pays supposent. Les résultats demeurent beaucoup trop inégalitaires. Peut-être faut-il admettre deux biais à l'étude Pisa : on interroge des jeunes de 15 ans, or la France a encore une pratique élevée du redoublement, ce qui fait baisser le niveau. Second biais : les tests Pisa appellent une certaine créativité car les questions ne portent pas sur les cours mais sur les compétences, ce qui gêne nos élèves qui sont habitués à répondre à des questions de cours. Ils ne sont donc peut-être pas aussi mauvais que les tests le suggèrent".
Vous évoquez les inégalités, c'est une constante que vous expliquez comment ?
"La France présente plus d'inégalités scolaires que ne supposent les inégalités sociales. Les catégories sociales favorisées qui bénéficient du système scolaire actuel ne sont pas complètement disposées à y renoncer. L'investissement dans le primaire reste inférieur de 25 % à la moyenne OCDE, et de 30 % supérieur en lycée. Il y a aussi un problème de formation des maîtres : un bon niveau académique mais une formation pas à la hauteur. Ils devraient être formés dans une école professionnelle, pendant quatre ans après le bac, comme on forme les ingénieurs et les médecins".
L'école est-elle réformable ?
"Je le pense. Mais c'est difficile. Il existe un conservatisme collectif. L'école souffre d'un manque de continuité de politique. Il faut arrêter de vouloir tout changer en ouvrant des chantiers à l'excès et donner le sentiment que ça ne bouge pas. Les trois priorités à mes yeux : la formation des enseignants, le primaire, et la réforme du bac. Il faut surtout arrêter de penser que l'école peut tout. C'est faux. Le Japon a la meilleure école du monde, mais pas la meilleure économie". Propos recueillis par Ph.R.
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