le Progrès du samedi 27 février 2016
PARIS - La plus grande ferme de France attend 700 000 visiteurs dans un contexte morose. Agriculture : pourquoi la colère monte encore. Le 53e Salon de l'agriculture ouvre aujourd'hui dans un climat tendu. L'agriculture française traverse une crise sans précédent qui secoue les campagnes françaises depuis l'été dernier.
Pourquoi la crise actuelle ?
Les éleveurs français sont confrontés à un effondrement des prix. Ils se plaignent de vendre leur viande et leur lait à perte, en dessous des coûts de production. Les outils de la régulation de la PAC (Politique agricole commune) qui protégeaient les agriculteurs de la volatilité des prix ont disparu ou bien ne jouent plus leur rôle.
Ainsi, les quotas laitiers instaurés en 1984 pour diminuer les excédents de production ont été supprimés en 2015. Conséquence : une chute des cours car l'offre dépasse la demande. La crise du porc est aussi liée à la fin des outils de financement à l'exportation et de limitation de la surproduction, au moment où les éleveurs perdaient des débouchés à cause de l'embargo russe. Même les céréaliers, jusqu'alors épargnés, sont touchés de plein fouet par la dégringolade des cours mondiaux du blé.
Pourquoi la France souffre plus que les autres ?
Les producteurs français sont pénalisés car le coût du travail est plus élevé en France que dans la plupart des autres pays européens. "L'agriculture française souffre d'un défaut de compétitivité", reconnaît Xavier Beulin, président de la FNSEA. Le coût du travail est 1,5 fois inférieur en Allemagne par rapport à la France, selon le think-tank Momagri. Le gouvernement français a annoncé la semaine dernière une nouvelle baisse des charges sociales qui s'ajoute à celle consentie en 2015 et les ramène dans la moyenne des concurrents européens.
Combien d'exploitation sont en difficulté ?
Les cellules d'urgence ouvertes dans les préfectures depuis l'an dernier ont déjà reçu 40 000 dossiers de demande d'aide, beaucoup plus que prévu. Une exploitation porcine sur cinq est en difficultés. Dans la filière porcine en Bretagne, il y a trois ou quatre dépôts de bilan par semaine, selon la FNSEA.
L'agriculture française se prote-t-elle si mal ?
La crise de l'élevage ne doit pas faire oublier que la France reste une grande puissance agricole. L'agriculture nourrit les Français mais elle est toutefois passée de la deuxième à la cinquième place mondiale. Elle est désormais talonnée par la Chine. Avec 500 000 exploitations agricoles et un million d'emplois, l'agriculture fait de moins en moins travailler les Français.
"Les agriculteurs étaient quatre fois plus nombreux en 1970,mais entre-temps la production agricole a été multipliée par cinq", observe Jacques Carles, délégué général du think-tank Momagri. La concurrence entre les pays européens fait rage. En moins de dix ans, la Pologne est devenue le nouveau géant européen de la volaille, devant la France. Luc Chaillot
L'agriculture recrute malgré la crise
L'agriculture reste un secteur économique créateur d'emplois. Avec 700 000 salariés, c'est le deuxième employeur de France. L'emploi salarié représente désormais 57 % des actifs agricoles. L'agriculture recrute chaque année 50 000 salariés permanents, mais avec difficulté. Pour faire connaître ce vivier d'emplois méconnu, huit acteurs de la filière agricole sont réunis au Salon de l'agriculture sur l'espace emploi-formation.
"Loin des stéréotypes, les métiers agricoles évoluent. Le secteur offre une palette de plus de 90 métiers. Les exemples de métiers porteurs ne manquent pas", souligne l'ANEFA (Association nationale pour l'emploi et la formation en agriculture). Le maraîchage développe de nouvelles fonctions comme la logistique, l'automatisation ou l'élaboration de stratégies commerciales. La viticulture qui mise sur l'innovation pour maintenir la France au rang de premier producteur de vin au monde réinvente aussi ses métiers. Elle recherche notamment des agents viticoles polyvalents vigne et chai. Autre secteur porteur : l'agroéquipement qui annonce 5 000 emplois à pourvoir dont 90% en CDI, notamment des professionnels de l'entretien des machines agricoles.
A découvrir aussi
- la tribune du samedi 4 avril 2015
- le Progrès du dimanche 27 septembre 2015
- le Progrès du mercredi 9 décembre 2015
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 59 autres membres