le Progrès du samedi 27 juin 2015
TUNISIE - Carnage au bord de la plage. Un forcené abat au moins 37 personnes à Sousse. Après l'attaque du musée du Bardo à Tunis, en mars, un étudiant a tué hier des touristes et employés d'un hôtel de la très touristique côte est. L'assaillant a été abattu.
Après le musée, la plage et la piscine de l'hôtel... "L'homme est arrivé sur la plage normalement. On a vu qu'il s'approchait d'un groupe de transats. On ne voyait pas d'arme. Il s'est mis à tirer. Il allait d'un groupe à l'autre et tuait les gens à bout portant. Il y a eu une panique et voilà...", témoigne en larmes une baigneuse britannique, qui a pris la fuite au moment où le tireur partait vers la piscine de l'hôtel tuer d'autres vacanciers.
La kakachnikov dans le parasol
"On a entendu comme des pétards à cent mètres sur notre gauche. Très vite les gens ont commencé à fuir la plage, c'était la panique", raconte un de ses compatriotes, présentent dans un hôtel voisin. Le berceau du printemps arabe verse encore des larmes et la Tunisie a connu hier le pire attentat de son histoire récente : un jeune homme armé a ouvert le feu sur la plage d'un hôtel de la station balnéaire de Sousse, tuant 37 personnes et en blessant 36 autres. Seul. Arrivé sur la plage, comme s'il allait se baigner, il a sorti une arme cachée dans son parasol.
"C'est une attaque terroriste contre l'hôtel. L'auteur de l'opération a été abattu mais il pourrait y en avoir davantage. Qu'il y ait d'autres éléments avec lui, nous ne pouvons ni le confirmer ni l'infirmer", a déclaré le ministère tunisien de l'Intérieur.
Le président Béji Caïd Essebsi, qui s'est rendu sur place, a jugé que ces attaques étaient "la preuve qu'il faut une stratégie globale et que tous les pays actuellement démocratiques doivent unir leurs forces". Le tueur solitaire est un étudiant tunisien, originaire de la région de Kairouan, l'une des villes saintes de l'islam, située dans le centre de la Tunisie. Il était inconnu de la police tunisienne.
L'hôtel visé, le Riu Imperial Marhaba, se situe dans la zone ultra-touristique de Port el Kantaoui, aux abords de la ville de Sousse, à environ 140 km au sud de Tunis. I y a un an, tout juste, un kamikaze s'était fait exploser sur une plage voisine, mais sans faire de victimes. Selon le propriétaire de l'hôtel, ce dernier est principalement fréquenté par des clients de tour-opérateurs britanniques ou d'Europe centrale. Toutes les nationalités des victimes n'avaient pas été révélées hier soir, mais il y aurait au moins cinq Britanniques.
La saison estivale compromise
Un peu plus de trois mois après l'attaque, revendiquée par Daech, contre le musée du Bardo de Tunis (22 morts), l'attentat de Sousse a de nouveau ciblé des touristes étrangers. Le carnage d'hier est un nouveau coup dur porté au secteur vital du tourisme, véritable poumon de l'économie tunisienne : il représente environ 7 % du PIB et quelque 400 000 emplois directs et indirects. La saison estivale paraît compromise alors que la Tunisie espérait voir revenir cet été une clientèle européenne. Les tour- opérateurs et les agences de voyage misaient beaucoup sur les réservations de dernière minute et les prix imbattables pour sauver la saison.
Cinéaste et femme politique tunisienne (parti Al Massar)
"Nous avons besoin de la solidarité internationale"
Quelle est votre réaction après ce nouvel attentat, trois mois après celui du Bardo ?
Comme des milliers de Tunisiens, je suis effondrée. Pourquoi ça nous arrive ? Qui sont ces gens ? Et surtout qui est derrière cette machine de guerre si bien organisée ? En Tunisie, dans le système politique, certains partis se déclarent presque ouvertement solidaires d'un certain système terrorisme qui est en train de s'installer dans notre pays, et trouvent même parfois des justificatifs aux actes les plus odieux. Il y a un enfant anglais de sept ans, hospitalisé à Sousse, comme imaginer qu'on s'en prenne à ces innocents, venus passer quelques jours de vacances dans ce pays pour lequel nous nous sommes beaucoup battus ?
Après la première élection démocratique, le pays semblait sur de bons rails...
Nous avions vraiment cru il y a quatre ans que nous étions en train de reconstruire le pays, d'aller vers une vraie démocratie. Au bout du compte, n'y-a-t-il pas une énorme tricherie ? Ce Printemps arabe n'a-t-il pas servi à ces gens-là pour s'installer d'une manière plus perfide dans notre société tunisienne ? Il y a quelques jours, des gradés de la police ont tabassé en jour une jeune fille coupable d'après eux d'avoir servi des gens en plein mois de ramadan. C'est une partie aussi du système terroriste. A quoi a servi notre travail de démocrate durant trois ans ?
Moi, j'ai laissé tomber ma carrière de cinéaste pour participer à l'écriture de la Constitution. La chose la plus fondamentale que nous avons obtenue est la liberté de conscience. Il faut aujourd'hui que la solidarité internationale vers notre petit pays s'exprime à nouveau, comme après le Bardo.
Sur le plan sécuritaire, avez-vous perçu le changement ?
Il y a certainement des gens qui n'ont pas fait leur devoir. Mais on ne peut pas tout contrôler, nous n'en avons sans doute pas les moyens. Recueilli par Xavier Frère
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