le Progrès du vendredi 21 août 2015
POLITIQUE - Quarante ans après les événements d'Aléria. Où en est le nationalisme corse ? Sur l'Ile de Beauté, la résistance par les armes et la violence a laissé la place à la construction d'un pouvoir politique : retour sur un mouvement qui rencontre, aujourd'hui, un succès grandissant dans les urnes et dans l'opinion publique.
Une histoire et une géographie tourmentées, un sous-développement économique, un sentiment d'abandon, un regain de régionalisme... La question corse émerge à la fin des années 1960.
1 - Les débuts
"Autonomistes", "régionalistes", "indépendantistes"... A partir des années 1970, les différentes sensibilités de la mouvance dite "nationaliste" se développent sur l'île. Les événements d'Aléria, en 1975, marquent la radicalisation du nationalisme corse. Le FLNC est fondé un an plus tard.
2 - Les revendications
Le mouvement revendique, avant tout, la souveraineté politique de l'île. Les attentats contre les structures de l'Etat ont été constants depuis 40 ans, entre plasticages de maisons appartenant à des continentaux, attaques contre des préfectures, ou assassinats symboliques de hauts fonctionnaires, parfois liés à une dérive mafieuse.
Ainsi la levée d'un impôt révolutionnaire n'aurait pas, selon la justice, uniquement financé la cause corse. Vu du continent, le nationaliste corse a donc longtemps revêtu le visage d'un homme encagoulé et armé. Pourtant, ce nationalisme milite également pour la préservation du littoral, ou encore la promotion de la langue, reconnue comme telle dans les années 60. En 2002, le processus de Matignon, autorisant son enseignement dans les écoles, a renforcé des valeurs identitaires et communautaires déjà bien ancrées. D'ailleurs, la signalisation routière, sur l'île, a été la première entièrement bilingue.
3 - Un statut à part
En 1982, la législation française érige la péninsule en une collectivité territoriale en plein exercice. En 1991, la République lui confère davantage de pouvoir que les régions métropolitaines en la dotant d'un conseil exécutif et d'une assemblée. Les premières élections territoriales de Corse ont lieu en 1992.
4 - La lutte par les urnes
Lors de ce scrutin, les nationalistes, déjà bien installés dans la vie politique locale, recueillent jusqu'à un quart des voix. En 2004, rassemblés derrière Edmond Simeoni (l'un des pères du nationalisme corse) et Jean-Guy Talamoni (leader nationaliste de Corsica Libera), ils obtiennent 8 sièges sur 51 à l'assemblée territoriale. En 2010, les autonomistes conduits par Gilles Simeoni (le fils d'Edmond) et Jean-Christophe Angelini enlèvent même 11 sièges, et les indépendantistes menés par Jean-Guy Talamoni en décrochent 4. Un score historique. Le nationalisme se cultive désormais dans les urnes. La cerise sur le gâteau ? En 2014, Gilles Simeoni remporte la mairie de Bastia, devenant le premier nationaliste à diriger une grande ville.
5 - Le prochain combat
Ainsi, la résistance par les armes a laissé la place à la construction d'un pouvoir politique. Le FLNC lui-même a choisi de changer son fusil d'épaule. Le nouveau combat ? Faire reconnaître le statut de "peuple corse" en modifiant la Constitution. Seulement, depuis 1991, toutes les tentatives ont échoué, le peuple français étant indivisible, selon nos institutions. L'an dernier, l'assemblée territoriale de Corse a tenté un passage en force en votant la co-officialité de la langue et le statut de résident à la quasi-unanimité. Peine perdue : le ministre de l'Intérieur en personne, Bernard Cazeneuve, a retoqué ces deux propositions. V.M.M.
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