Franceinfo - le mardi 28 août 2018
Glyphosate, nucléaire, perturbateurs endocriniens… Les multiples couleuvres avalées par Nicolas Hulot au gouvernement
Il espérait que l'interdiction du glyphosate sous trois ans soit gravée dans la loi, défendait la baisse de la part du nucléaire à 50% d'ici 2025... Nicolas Hulot a renoncé à plusieurs de ses combats pendant son passage au gouvernement. Tour d'horizon
C'était devenu un sujet d'interrogation récurrent : Nicolas Hulot allait-il rester ministre ? Il a finalement annoncé sa démission, mardi 28 août, au micro de France Inter, devant des journalistes plus que surpris, après une année marquée par plusieurs batailles perdues pour le militant écologiste. Ou, comme dirait le ministre, "une accumulation de déceptions" qui ont fait de ces derniers mois "une souffrance" pour lui, qui s'est surpris "par lassitude" à parfois "baisser les bras".
Ces renoncements en série sur le nucléaire ou encore les pesticides ont mis en lumière l'isolement du ministre au sein de la majorité. Retour sur ces différents dossiers.
Le recul sur les perturbateurs endocriniens
Ce qui a été décidé. En juillet 2017, les membres de l'UE ont adopté une définition commune des perturbateurs endocriniens, ces substances qui peuvent interférer avec le système hormonal, présentes dans de nombreux produits de consommation courante. Selon la Commission européenne, les critères ainsi définis permettent d'identifier les perturbateurs endocriniens "avérés et présumés".
Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Ces critères de définition ont été votés trois ans après la date initialement attendue. Sous François Hollande, Ségolène Royal avait jugé "inacceptable" la définition proposée par la Commission et dénonçait des garanties insuffisantes. Plusieurs associations étaient elles aussi hostiles à cette définition, estimant notamment qu'elle nécessiterait trop de preuves pour classer un produit comme perturbateur endocrinien.
Quelques jours avant de valider l'accord, Nicolas Hulot avait assuré sur RMC qu'il "ne céderait rien sur le sujet". "Quand je suis arrivé, la première chose que j'ai demandée, c'est le report de ce texte", avait-il affirmé, ajoutant : "Mon rôle, c'est d'aider à protéger les Français de ces empoisonnements."
"Nous n’avons pas gagné cette guerre, mais nous avons gagné une bataille", a estimé Nicolas Hulot après le scrutin, dans Libération. "Si nous avons voté le texte, qui se heurtait à un poids monstrueux des lobbys, c’est que nous avons ouvert une très grande brèche, qui ne se refermera pas et qui s’élargira dans le temps." Il a aussi souligné avoir obtenu l'inclusion des perturbateurs endocriniens présumés, et pas seulement avérés. Il a toutefois reconnu une insuffisance de l'accord, ajoutant que "le risque, si nous ne votions pas ce texte, était qu’un certain nombre de produits reste encore durablement sur le marché".
Le recul des objectifs sur la baisse du nucléaire
Ce qui a été décidé. En novembre 2017, à la sortie du Conseil des ministres, Nicolas Hulot l'annonce : il sera "difficile" de tenir l'engagement de ramener la part du nucléaire à 50% d'ici 2025 et le gouvernement préfère tabler sur 2030, "au plus tard" 2035. Une annonce justifiée à l'époque par une volonté de "réalisme et de sincérité", relevait Le Monde. "Si on veut maintenir la date de 2025 pour ramener dans le mix énergétique le nucléaire à 50%, ça se fera au détriment de nos objectifs climatiques", avait déclaré le ministre.
Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Avant d'entrer au gouvernement, il était ferme sur le sujet. "Il faut sortir du nucléaire. Fukushima a achevé de me convaincre", affirmait-il en avril 2011 au Point. Une nouvelle fois, en 2015, en pleine polémique sur le retard pris dans la construction de l'EPR de Flamanville (Manche), il martelait à quel point lui importait que soit tenu l'objectif de ramener la part du nucléaire à 50% en 2025, comme prévu dans la loi de transition énergétique. Le revirement opéré par le ministre en 2017 a inspiré à l'écologiste Yannick Jadot cette raillerie : "Nicolas Hulot n'avale plus des couleuvres, mais des boas constricteurs."
Le vote européen sur le glyphosate
Ce qui a été décidé. Toujours en novembre 2017, les pays de l'Union européenne ont voté le renouvellement pour cinq ans de l'autorisation du glyphosate, un herbicide classé comme "cancérigène probable" par l'Organisation mondiale de la santé (OMS).
Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Le ministre souhaitait prolonger l'autorisation pour trois ans, mais, dans un premier temps, le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, avait tablé sur sept ans. Finalement, la France a voté contre une prolongation de cinq ans, mais, étant minoritaire, le renouvellement pour cinq ans a été adopté. "C’est une décision que je regrette car l’Europe avait ici les moyens de montrer qu’elle est synchronisée avec les attentes légitimes des citoyens sur l’utilisation de ce produit", a réagi Nicolas Hulot dans L'Obs, affirmant vouloir tout mettre en œuvre pour "développer des alternatives et, à partir de là, interdire le glyphosate, au plus tard dans trois ans". Déçu au niveau européen, le ministre s'est donc raccroché à l'échelon national, d'autant que l'interdiction sous trois ans était soutenue, à l'époque, par Emmanuel Macron.
Le rejet d'un amendement interdisant le glyphosate en 2021 en France
Ce qui a été décidé. Un amendement à la loi sur l'équilibre dans le secteur agricole et alimentaire, qui proposait l'interdiction du glyphosate au 1er mai 2021, a été rejeté fin mai 2018. Il était porté par Matthieu Orphelin, député LREM proche de Nicolas Hulot, mais le gouvernement a émis un avis défavorable.
Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Il soutenait publiquement l'amendement. "C'est une décision à la fois des députés et du gouvernement", avait déclaré le ministre, qui s'était alors dit "déçu". Selon Le JDD, voyant la défaite se profiler, il aurait préféré prolonger un séjour en Corse, prévu en même temps que le vote à l'Assemblée. Dans une interview au Parisien début août, il n'a pas suggéré d'avancer cette échéance, pointant du doigt les groupes de pression "qui ont pignon sur rue" et tiennent "parfois même la plume des amendements".
L'attitude du gouvernement sur les pesticides a sans doute largement pesé dans sa démission, comme il l'a évoqué au micro de France Inter. "Est-ce que nous avons commencé à réduire l'usage des pesticides ? La réponse est non (...) Je ne veux plus me mentir. Je ne veux pas donner l'illusion que ma présence au gouvernement signifie qu'on est à la hauteur sur ces enjeux-là."
L'entrée en vigueur du CETA
Ce qui a été décidé. L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada (Ceta) est entré en vigueur de façon provisoire et dans sa quasi-totalité le 21 septembre 2017. Il baisse les droits de douane pour doper les échanges commerciaux et a pour objectif d'aboutir à une convergence de certaines normes.
Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Lorsqu'il dirigeait encore sa fondation, celle-ci employait des mots très durs à l'encontre du Ceta, qualifiant le texte de "climaticide et antidémocratique". Ministre, Nicolas Hulot est plus mesuré, mais reste méfiant. "J'étais très inquiet, et je le suis toujours, sur des traités comme le Ceta. Ce sont des traités qui nous exposent au lieu de nous protéger", affirme-t-il sur Europe 1 en réaction à son adoption.
Les conclusions des états généraux de l'alimentation
Ce qui a été décidé. Après cinq mois de discussions, les états généraux de l'alimentation touchent à leur fin en décembre 2017. Des débats sur lesquels l'écologiste du gouvernement compte beaucoup. "J'espère qu’aujourd’hui est le début de quelque chose d’inattendu et de magnifique", a-t-il déclaré à leur ouverture. Dans son discours de clôture, Edouard Philippe annonce "un projet de loi au début de cette année pour garantir des conditions de marché justes, efficaces, saines". Parmi les mesures évoquées, on trouve la restriction des promotions, le plan pour le bio, la défense du bien-être animal ou encore la lutte contre le gaspillage alimentaire, résume Le Figaro.
Ce qu'en disait Nicolas Hulot. En décembre 2017, il boude la clôture des états généraux de l'alimentation, pilotés par Stéphane Travert. "Ce n’est pas un psychodrame, je considère que les conclusions ne sont pas à la hauteur de la qualité du travail extraordinaire et des propositions qui ont été faites dans les ateliers. Je ne vais donc pas aller faire le beau ou aller dire dans un micro que le compte n’y est pas", confie-t-il au Monde.
Les arbitrages rendus en faveur des chasseurs
Ce qui a été décidé. Les représentants des chasseurs ont à nouveau été reçus à l'Elysée, lundi 27 août. Ils ont obtenu plusieurs concessions, dont la réduction du prix du permis national de chasse, ainsi que la mise en place d'une gestion adaptative des espèces et d'une police rurale.
Ce qu'en disait Nicolas Hulot. Selon BFMTV, le ministre est "très énervé" lors de cette réunion, "agacé" par les arbitrages rendus. C'est peut-être cette rencontre qui "a achevé de [le] convaincre" de démissionner, explique Nicolas Hulot sur France Inter. "J’ai découvert la présence d’un lobbyiste qui n’était pas invité à cette réunion. C’est symptomatique de la présence des lobbys dans les cercles du pouvoir. Il faut à un moment poser ce problème sur la table", martèle le ministre démissionnaire, qui tient toutefois à souligner que sa décision vient d'une "accumulation de déceptions".
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