le Progrès du jeudi 18 août 2016
ESPAGNE - GOUVERNEMENT. POKER MENTEUR À MADRID
Coup de bluff ou main gagnante ? Le conservateur Mariano Rajoy pourrait enfin former un gouvernement. Sinon, ce serait retour devant les électeurs, pour la troisième fois en un an.
Si l'heure n'était si grave, on parlerait volontiers de comédie de boulevard pour évoquer la journée d'hier à Madrid, entre claquements de portes, fausses déclarations et protestations d'innocence.
La confiance pourrait cependant ménager une fin heureuse à la pièce : "L'Espagne a besoin d'un gouvernement maintenant", a déclaré le conservateur Mariano Rajoy, qui rencontre aujourd'hui le centriste Albert Rivera, afin de discuter un accord de gouvernement. Restera à obtenir une promesse de non-agression du socialiste Pedro Sanchez, avant que l'Espagne sorte enfin de la crise...
Deux élections, un résultat
Cette crise a été ouverte par les élections législatives du 20 décembre, tenues sur fond de scandales de corruption et de crise économique. L'Espagne, habituée à l'alternance au pouvoir des deux partis conservateurs (Parti populaire, ou PP) et socialiste (Psoe), a vu entrer au parlement deux nouvelles formations : les centristes de Ciuadadanos (Citoyens) et la gauche radicale de Podemos (Nous pouvons). Le résultat ? Des Cortes (assemblée nationale) sans majorité absolue, de longues palabres, et l'obligation de nouvelles élections le 26 juin... Pour le même résultat : les conservateurs en tête (137 sièges), devant les socialistes (85), puis Podemos (71) et Ciudadanos (25) ! Et les palabres ont repris.
L'Europe s'impatiente
Les causes de blocage sont multiples. Mariano Rajoy, au pouvoir depuis 2011, est populaire dans son camp, mais détesté à l'extérieur, notamment à cause de la corruption. Le socialiste Pedro Sanchez est trop faible pour forcer un accord, et sous la menace de Podemos, qui rêve de suivre l'exemple de Syriza en Grèce, qui a éliminé les socialistes du jeu. Et tous partagent la crainte d'apparaître comme les fauteurs de nouvelles élections.
La journée d'hier peut donc être une étape vers la sortie, ou une journée des dupes. Mais le temps presse. L'Espagne est dans l'incapacité de préparer un budget, alors qu'elle sous la menace d'une amende de l'Europe, pour cause de déficit galopant : plus de 5 % l'année dernière, qu'elle doit ramener à moins de 3 % l'année prochaine.
Son ministre des Finances a proposé une hausse de l'impôt sur les sociétés, reste à trouver une assemblée pour la voter... En attendant, la timide reprise économique, après cinq année de récession et un chômage toujours à plus de 20 %, est en train de s'essouffler. Et les Européens s'impatientent d'autant plus que la zone euro reste trop fragile pour s'offrir une longue crise dans une économie qui pèse plus de 12 % de l'ensemble. Francis Brochet
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