le Progrès du mercredi 20 juillet 2016
MÉDECINE - LA SÉCU, UNE SOLIDARITÉ SOUS PRESSION
Créee en 1945 pour permettre aux salariés de préserver leur force de travail, l'Assurance maladie est aujourd'hui sous pression budgétaire. Décryptage avec l'historien Bruno Valat.
C'est l'histoire d'une grande dame de 70 ans, née des idéaux de solidarité de l'après-guerre, qui affronte les contraintes, budgétaires, du monde contemporain. L'Assurance maladie doit aujourd'hui être fidèle à ses principes, mais avec moins de moyens.
1945, naissance d'une assurance
"L'assurance maladie est née en 1945 avec un objectif : permettre aux salariés de préserver leur force de travail en cas de problème de santé, et la rétablir au plus vite. À l'époque, la maladie constituait une véritable insécurité, celle de la perte de revenus. Avec les indemnités journalières et la prise en charge du coût des soins, la sécurité sociale créait un filet de sécurité", explique Bruno Valat, historien.
Mais ce n'est pas tout. La Sécurité vise également un deuxième objectif, moins immédiat : l'amélioration de la santé de la population française dans son ensemble. Dans ce cadre, "Avec les cotisations à la branche maladie, un vaste plan de modernisation sanitaire doit être engagé pour permettre à la France de rattraper son retard de l'après-guerre", poursuit l'auteur d'Histoire de la Sécurité sociale (1945-1967).
1960-1970, santé pour tous
L'idée ayant fait ses preuves, elle est ensuite élargie à d'autres catégories de la population que les salariés. En 1961, la Mutualité sociale agricole doit proposer aux exploitants agricoles une assurance maladie obligatoire. "Entre 1966 et 1970, l'assurance maladie s'applique également pour ceux qui ne sont ni salariés, ni agriculteurs : les indépendants, les petits commerçants, les petits entrepreneurs", raconte Bruno Valat.
Cette généralisation va ensuite concerner toutes les catégories, même les plus marginales. "Aujourd'hui, 100 % de la population est couverte, y compris les résidents en situation irrégulière via l'aide médicale de l'État", explique l'enseignant-chercheur. Dans le même temps, le second objectif se concrétise avec la modernisation des hôpitaux, la formation de nouveaux médecins, le développement d'une industrie pharmaceutique dynamique et des campagnes de prévention.
"À partir des années 1950, des maladies infectieuses comme la tuberculose ont disparu et des pathologies autrefois graves comme la varicelle ou la rougeole sont devenues bénignes. La sécurité sociale a permis le développement d'une médecine de pointe, et de mettre cette médecine de pointe à la portée de tout le monde", analyse Bruno Valat.
1980, tournant de la rigueur
La crise économique des années 1980 change la donne. "La nécessité de maîtriser les dépenses est devenue un impératif", explique l'historien. Le "trou" de la Sécu s'impose à l'agenda politique. Et reste depuis un thème récurrent. "L'objectif d'économie, qui va se renforcer avec les impératifs liés au vieillissement de la population, s'oppose aux idéaux initiaux. L'équation posée est donc complexe : comme faire aussi bien avec moins d'argent ?", interroge le spécialiste d'histoire sociale.
Une chose est sûre selon lui : "Il ne devrait pas y avoir de grand soir mais des adaptations du système, en renforçant notamment la rationalisation des dépenses de soin". Élodie Bécu
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