le Progrès du samedi 30 juillet 2016
RELIGION - ENCADREMENT. LA DIFFICILE RÉFORME DE L'ISLAM DE FRANCE
De plus en plus de voix réclament une nouvelle organisation des institutions musulmanes afin de mieux encadrer la formation des imams, évincer les prédicateurs radicaux et surveiller les financements des mosquées venant de l'étranger.
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e débat sur l'organisation de l'islam de France et le financement des mosquées est relancé après les attentats de Nice et de Saint-Etienne-du-Rouvray. Manuel Valls ne veut plus d'imams formé à l'étranger. "Je souhaite que les imams soient formés en France et par ailleurs", dit-il dans un entretien au Monde publié hier. Le Premier ministre demande également l'arrêt au moins temporaire des financements étrangers pour la construction des mosquées. "Il faut inventer une une nouvelle relation avec l'islam de France", ajoute Manuel Valls. La tâche est délicate, car la religion musulmane n'a pas de clergé hiérarchisé.
Le recteur de la grande mosquée de Paris appelle aussi de ses voeux une réforme des institutions de l'islam. Dalil Boubakeur estime qu'il est temps pour les musulmans "de prendre conscience de ce qui ne va pas". L'ancien président du Conseil français du culte musulman (CFCM) demande une formation des imams "beaucoup plus attentive".
20 à 30 % des imams ont la nationalité française et 300 des 2 500 imams sont financés par des États étrangers, notamment l'Algérie, le Maroc et la Turquie. Un rapport du Sénat du 4 juillet dernier préconise "qu'ils soient formés à terme exclusivement en France dans des centres labellisés".
L'échec à construire un islam de France constitue un frein à la lutte contre la radicalisation. Fondé en 2003, le CFCM, censé représenter les musulmans français, est fragilisé par des querelles internes. Son conseil théologique peine à fournir un contre-discours religieux face à la propagande djihadiste.
Un concordat ?
Selon Le Canard enchaîné, Bernard Cazeneuve réfléchirait à une forme de concordat avec l'islam, comme celui qui existe en Alsace-Moselle pour toutes les religions. "Le concordat ne comporte pas les outils juridiques pour répondre aux problèmes du culte musulman", estime le rapport du Sénat.
Hier, Christian Estrosi a pris au mot Manuel Valls. Le premier adjoint au maire de Nice lui demande de fermer une mosquée de la ville financée par l'Arabie Saoudite et autorisée par l'État contre l'avis de la mairie. Le rôle des États étrangers dans le financement des mosquées est pourtant marginal. Le financement du culte musulman provient à 80 % des dons des fidèles. Certains ont lancé l'idée d'une taxe "halal" pour financer le culte musulman. Mais c'est un vrai serpent de mer.
Le rapport du Sénat démontre un fantasme : celui d'une dérive radicale due aux prêches en arabe. "Le risque de radicalisation dans les mosquées ou sous l'influence des prêches est assez minime. La radicalisation s'opère essentiellement en dehors des lieux de culte, dans les prisons ou via Internet", observe le rapport.k
Pas de dérive radicale due aux prêches en arabe
L'exemple de la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray semble instructif. Adel Kermiche, coauteur de l'attaque de l'église, y était interdit de séjour depuis qu'il s'était radicalisé et qu'il avait voulu partir en Syrie. "Si ces gamins venaient faire la prière et écouter le prêche à la mosquée, ils comprendraient ce qu'est l'islam et on n'en arriverait pas à ces tragédies", avance Mohamed Karabila, le président du conseil régional du culte musulman (CRCM) et de la mosquée de Saint-Etienne-du-Rouvray. Son association engagée dans la lutte contre la radicalisation avait toutefois échoué lorsqu'elle avait tenté de ramener le futur terroriste sur le droit chemin. Luc Chaillot
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