le Progrès du vendredi 2 décembre 2016
SOCIÉTÉ - ASSEMBLÉE NATIONALE. IVG : LA BATAILLE REPREND DE PLUS BELLE
L'Assemblée nationale a adopté hier, en première lecture, la proposition de loi socialiste visant à pénaliser les sites de "désinformation" sur l'IVG. Un projet âprement combattu par la droite et la hiérarchie catholique.
Un peu plus de quarante ans après la loi Veil, l'avortement fait encore débat en France. Hier, la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, a défendu bec et ongles à l'Assemblée la proposition de loi socialiste sur l'extension au numérique du délit d'entrave à l'IVG. Après cinq heures et demie de débats houleux, cette proposition a été adoptée, grâce au soutien de l'ensemble de la gauche et d'une majorité de centristes, et malgré l'opposition de la droite.
Le délit d'entrave à l'avortement existe depuis 1993 en France. La volonté du gouvernement avec ce nouveau projet de loi est de l'élargir aux sites internet accusés de "désinformation" sur la question. En les pénalisant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
"Des groupuscules anti-IVG masqués"
"Il y a trente ans, des commandos s'attachaient aux tables d'opération pour empêcher les femmes d'y accéder. Aujourd'hui, c'est sur la Toile que leurs héritiers continuent cette bataille", explique la ministre. "Des groupuscules anti-IVG avancent masqués, dissimulés derrière des plate-formes d'apparence neutre et objective, qui imitent les sites institutionnels d'information".
Dans le viseur par exemple, le site ivg.net, si bien référencé qu'il est le premier à apparaître sur le moteur de recherche Google lorsqu'on tape "ivg", avant même celui du gouvernement (ivg.social-sante.gouv.fr). Cette plateforme se présente comme sérieuse avec "toutes les informations dont vous avez besoin". Tout y est en effet sur les "risques médicaux et psychologiques" de l'avortement, mais impossible de trouver par exemple les lieux où l'acte peut être pratiqué. En outre, les témoignages orientés foisonnent, comme celui de Clémence, 25 ans, souhaitant partager "sa détresse suit à une ivg médicamenteuse".
La droite et les catholiques vent debout
Le projet de loi a reçu le soutien du Planning familial. Mais la droite et l'Église catholique sont, elles, vent debout. Le Sénat ne votera pas le délit d'entrave numérique à l'IVG, a d'ores et déjà annoncé hier Bruno Retailleau, le président du groupe majoritaire LR. "Nous le rejetterons au nom de la liberté d'expression", a-t-il prévenu. Même son de cloche du côté de l'Église. Lundi, Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, a adressé une lettre au président Hollande afin qu'il fasse échec au texte. Joint hier, l'abbé Grosjean, secrétaire général "Éthique et politique du diocèse de Versailles", insiste : "Ce projet de loi est une grave dérive du gouvernement contre la liberté d'expression. Les sites officiels n'informent pas de façon objective, car ils ne proposent aucune alternative à l'avortement, aucune aide à celles qui veulent garder leur enfant. Pourquoi banaliser un acte qui n'est jamais anodin pour une femme ?".
"Quand une femme a décidé d'avorter, elle n'a pas pris ce choix à la légère, répond à cela Laurence Rossignol. Et ce qu'elle va alors chercher, ce sont des informations légales". Adopté hier à l'Assemblée nationale, le texte sera dans les mains du sénat le 7 décembre, en vue d'un vote définitif au parlement d'ici à fin février. En attendant, le dialogue de sourds va continuer. Sarah Miquey-Pllandre
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