Franceinfo - le mardi 12 mars 2019 - mis à jour le 13.03.19
DOCUMENT FRANCEINFO. Un "califat de gueules cassées" : les derniers jihadistes de Baghouz se rendent
L'envoyé spécial de franceinfo à Baghouz (Syrie) a assisté à la reddition de jihadistes, mardi 12 mars. Epuisés, souvent blessés, ils sont interrogés par les Forces démocratiques syriennes et les forces spéciales américaines
Un combattant du groupe Etat islamique à Baghouz se rend aux Forces démocratiques syriennes, le 12 mars 2019. (RADIO FRANCE)
La chute du dernier bastion de l'organisation terroriste État islamique, à Baghouz (Syrie), est imminente. Le service de presse des Forces démocratiques syriennes (FDS), qui encadre assez strictement les journalistes présents sur place, n'a de cesse de le répéter. La fin est annoncée depuis des jours, mais il est difficile de savoir précisément ce qu'il en est.
C'est pourquoi le spectacle découvert par hasard, mardi 12 mars, par l'envoyé spécial de franceinfo, au détour d'une dune, est particulièrement surprenant : une cinquantaine d'hommes dans un état déplorable, certains quasiment morts allongés sur des brancards improvisés avec des palettes de bois, d'autres en béquilles, jambes bandées et ensanglantées, parfois la mâchoire fracturée ou les yeux arrachés. D'autres encore se déplacent poche de sang à la main, l'air hagard. Tous semblent sales, blessés, affamés et épuisés. Ces jihadistes viennent de se rendre, mardi 12 mars, avant que la nuit tombe. Ils sont surveillés de près par les membres d'une unité des forces spéciales kurdes.
C'est là la reddition discrète de Daech, dans les dunes du désert syrien, après des semaines de frappes aériennes de harcèlement des troupes arabo-kurdes au sol : un "califat de gueules cassées". Dans ce groupe, mardi soir, il y a des Syriens, des Tunisiens, des Turcs, des Marocains, des Ouzbeks aussi, mais aucun Français ou Européen. D'après l'officier, il y en aurait encore dans l'enclave.
Reddition de jihadistes à Baghouz (Syrie), le 12 mars 2019. (RADIO FRANCE)
"Je m'appelle Zouhair, je suis né en 1999, je viens de Fès, explique l'un d'eux avec une tête de gamin, incapable de se lever. J'ai rejoint Daech il y a deux ans. Je suis venu du Maroc pour le jihad, pour défendre l'Etat islamique." Il est blessé à la jambe et à l'estomac. "Ici, j'ai vécu avec des gens beaucoup mieux qu'au Maroc" lâche-t-il avant d'être embarqué par des soldats kurdes pour être fouillé.
Assis en tailleur, un peu plus loin, mains sur la tête, une autre tête de gamin, un bras ensanglanté. Il s'appelle Mohamed, il est Syrien, il a 25 ans. "J'étais mécanicien depuis trois ans, c'est mon frère qui était dans l'Etat islamique. Il est encore à l'intérieur", explique-t-il. L'officier des renseignements kurdes qui l'interroge ne le croit pas une seconde. "Hier, j'ai été blessé, j'ai décidé de sortir. C'est très mauvais à l'intérieur ! Les gens veulent sortir."
Fouille d'un homme s'étant rendu aux Forces démocratiques syriennes aux environs de Baghouz (Syrie), le 12 mars 2019. (RADIO FRANCE)
Une fois dehors, les jihadistes sont donc encadrés par les combattants des FDS qui les fouillent et les interrogent, avant de les transférer. Ils atterrissent 200 mètres plus loin, derrière une autre dune où attendent sept véhicules blindés et six 4x4 aux vitres fumées : une unité des forces spéciales américaines qui prend photos et empreintes de tous ces hommes. Leur objectif : retrouver d'éventuels ressortissants américains ou européens.
Une image contrôlée
D'après l'officier kurde interrogé par franceinfo, il n'y aura plus personne à l'intérieur de l'enclave d'ici 24 à 48 heures. Les jihadistes se seront rendus ou seront morts. Pas morts dans les combats, car en réalité il n'y a en a pas, mais morts à cause des frappes aériennes.
Ils sont encore nombreux à l'intérieur, mais ils ne combattent plus, ils attendent. Ils ont juste peur d'aller en prison s'ils sortent.à franceinfo
L'officier kurde précise que les Forces démocratiques syriennes entreront et "nettoieront" l'enclave. Ils veulent retirer les cadavres de combattants et ceux des civils avant l'arrivée des médias.
Selon l'officier kurde, la libération de Baghouz devrait être annoncée aux journalistes dans les trois ou quatre prochains jours. Cette nuit-là, il attend un millier de combattants et leurs familles qui se sont rendus. Il resterait environ 700 personnes à l'intérieur de l'enclave, qui finiront par sortir dans les 48 prochaines heures, après une nouvelle vague de frappes ou des tirs de snipers. Comme celui qui a frappé ce Tunisien, qui a rejoint Daech il y a cinq ans. "Je suis venu en Syrie pour appliquer la loi de Dieu", dit-il, allongé sur un brancard de fortune, une poche de sang à la main.
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